« La prime, le Président Sarkosy a tranché! » Ah bon, et quoi exactement?

La presse est unanime: Lors d’une réunion qui s’est tenue hier, le Président Sarkosy a tranché: Il y aura une prime de 1000€ pour les salariés des entreprises de plus de 50 personnes qui augmentent leur distribution de dividendes.

Calmons nous et étudions de près ce que nous savons:

  • Nous savons que le principe d’une prime est retenu.
  • Nous savons qu’elle sera « obligatoire »
  • Nous savons qu’elle concernera les entreprises de plus de 50 salariés qui augmentent leur distribution de dividendes
  • Nous savons que cette prime sera exonérée de charges sociales, mais soumise à la CSG et à la CRDS ainsi qu’au forfait social, soit environ 8% de prélèvements sociaux.
  • Nous savons que cette prime ne sera pas « exceptionnelle », mais « pérenne », s’inscrivant dans le droit du travail.
  • Nous savons qu’il « est question » de mettre en place cette prime envers les entreprises de moins de 50 salariés

Premiers commentaires sur cette annonce:

1) Sur l’aspect de la forme et des modalités:

  • Qu’est ce qu’une entreprise qui augmente la distribution de ses dividendes? Une augmentation en valeur absolue? Une augmentation rapportée à sa valeur capitalistique? Une augmentation rapportée à son Chiffre d’Affaire? Quid des entreprises qui n’ont pas distribué cette année de dividendes, soit à cause de provisions qui seront levées, soit par souci « d’éthique »? Seront elles particulièrement pénalisées l’an prochain?
  • Quel sera le montant de cette prime? Elle variera en fonction du contexte de chaque entreprise… Qu’est ce que cela veut dire? Contrairement à ce qu’affirment les journaux de la grande presse, le montant de 1000€ est le montant cité par les ministres concernés audelà duquel les entreprises ne pourraient plus bénéficier de l’exo de charges, rien à voir avec le montant réel de la prime qui devra être négocié entre « représentants du personnel » et les entreprises…
  • Quelles seront les modalités de la prime? S’agira-t-il d’un chèque ou est ce que son montant sera intégré dans la participation ou dans l’intéressement ou prendra la forme d’un abondement à un article 83, à un perco ou toute autre forme d’épargne salariale?
  • Que risquent les entreprises qui n’appliquent pas ce dispositif?
  • Concernant les entreprises de moins de 50 salariés, c’est encore beaucoup plus flou.  En effet, le dispositif étant facultatif et les déclarations présidentielles évoquant la possibilité aux entreprises dont la trésorerie le permettrait de s’y associé, même si il n’y a pas d’augmentation de distribution de dividendes, certains fonctionnaires craignent que cette prime, exonérée de charges, ne vienne en substitution d’une partie du salaire ou de primes existantes, provoquant ainsi une diminution de la collecte des charges sans réelle augmentation du pouvoir d’achat. Un montant maximum devrait être fixé les concernant par Bercy.

Autrement dit, pour une décision sur laquelle le « Président a tranché », reconnaissons ne nous ne savons pas grand chose de plus qu’hier matin!

2) Sur le fond:

  • Cette mesure ressemble à un « non-sens » économique. Déjà pris en défaut il y a quelques temps lorsqu’il avait affirmé dans un réunion publique qu’il allait imposer « la règle des trois tiers » car le coût de la main d’oeuvre représente déjà beaucoup plus que le montant attribué à la rémunération du capital, le Président Sarkosy se mêle à nouveau de l’attribution des plus values d’entreprises privées. Un comble lorsque les chefs d’entreprises voient la manière dont la fonction publique et l’ensemble de la machine « Etat » sont gérées! Cette décision procède d’un raisonnement micro économique perverti par une ignorance très probablement comblée par une idéologie pourtant abandonnée dans le reste du monde. En micro économie, peut être encore plus qu’ailleurs à cause de la brièveté du cycle, « rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme ». Ce que le Président et les syndicats croient avoir distribué avec cette prime sera, au mieux, repris sur les rémunérations habituelles, probablement entraînera une délocalisation ET de la production ET des bénéfices (sur des holdings ou des sociétés mères situées hors territoire national et cotées sur d’autres places, les sociétés de droit français ne faisant plus de bénéfices) au pire provoquera une baisse de cotation (le rendement des entreprises diminuant, elles attireront moins les investisseurs) les rendant opéables, donc ouvertes aux prédateurs qui les démantèleront. Mais, bien sûr, « après moi le déluge » et les effets ne se feront sentir que dans quelques temps, peut être les décisionnaires d’aujourd’hui ne seront alors plus aux commandes….
  • Cette mesure est aveu du mal qui ronge notre économie, tue nos emplois et ferme nos usines: Le coût de la main-d’œuvre. Bien sûr que cette mesure va permettre tout à la fois d’apporter cette année (pré-électorale?) un ballon d’oxygène dans un certain nombre de foyers à un coût moindre que ne représenterait pour les entreprises l’augmentation du SMIC. Mais, en décidant de rendre cette prime pérenne et non exceptionnelle, c’est à un bouleversement du mode de rémunération que nous assistons. Très probablement, pour les raisons évoquées plus haut, nous allons voir cette prime intégrée dans le plan de rémunération, comme le sont déjà les épargnes, assurances collectives, participation et intéressement. Au fil du temps, la part de rémunération réelles soumise à cotisations sociales va décroître. Connaissant l’engouement actuel du Président pour « le modèle allemand », nous comprenons son objectif inavoué et surtout pas verbalisé: Diminuer le poids de la main-d’œuvre sur les entreprises françaises. Le coût des effets secondaires de l’immigration (dernière variable utilisée dans le même objectif) sont tels qu’il devient évident qu’autre chose doit être fait. C’est un bon raisonnement. Il est clair qu’une relance de l’activité économique de notre pays ne passe ni par une augmentation des prélèvements obligatoires (projet socialiste) ni par une fermeture (économique) des frontières nationales (projet FN), mais par une augmentation de la compétitivité de notre outil de production. Dommage que ceci ne soit pas clairement annoncé, car l’honnêteté veut de dire aux Français ce qu’on fait et où on les conduit. Rappelons au passage, qu’une telle décision ménage la chèvre et le chou, ce qui est risqué à moyen terme. Il serait préférable de prendre d’authentiques décision de transfert de charges sur la consommation, qui assureraient le financement d’une protection digne d’un pays développé et mettrait les produits étrangers en réelle situation de concurrence.

Au détour d’une mesure présentée de manière démagogique comme « redistributive », lancée comme une idée survenue soudainement et balancée sans vraiment de réflexion quant aux modalités d’application et à la faisabilité, il ressort néanmoins un des traits de ce que devrait être « LA » préoccupation de nos dirigeants: « Redonner de la compétitivité et de l’attrait aux entreprises françaises afin qu’elles créent des emplois, gagnent des parts de marché ». Simplement, il faut aussi se préoccuper de maintenir en France un système de protection sociale digne de ce nom. La quadrature du cercle? Non, juste quelques mesures concernant le « mammouth social » et la TVA, trois fois rien, quoi!

2 comments

  • Vos analyses débordent le cadre de l’information. Mais, après tout, de tels sujets méritent un balayage plus vaste. Je pense que cette proposition est une fumisterie et ne crois pas qu’il y ait une réflexion aussi poussée que ce que vous exposez.

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