La faillite de Détroit, signe avant coureur?
La faillite de Detroit, officiellement annoncée le 17 juillet sera difficilement comprise par l’opinion hexagonale. Et pour cause.
Cette ville représentait un cas d’école de la politique de gauche aux États-Unis. (1)⇓ Aujourd’hui elle paye le prix de 50 années de contrôle par les partisans de l’étatisme et par les bureaucraties syndicales, qui ont fait d’une grande ville américaine un champ de ruines.
Ne nous étonnons pas si, par conséquent, les homologues français des banqueroutiers cherchent à expliquer autrement la déconfiture, en feignant de n’en remarquer que ses conséquences dommageables. Et en l’imputant aux affreux ressorts de l’économie de marché.
L’Huma du 21 juillet 2013 donne ainsi comme d’habitude le ton. Le journal communiste prétend fournir « les trois raisons de la faillite de Detroit : la désindustrialisation (…) ; le ‘white flight’ ou l’exode des classes moyennes » (…) et… l’inaction de l’État du Michigan et du gouvernement fédéral »
Commentaire encore plus typique : celui de « Solidarité et Progrès », surenchérissant dans la bêtise le 22 juillet : « les emprunts toxiques m’ont tuer ». Les esprits faux confondent toujours joyeusement les causes et les effets. Ainsi, l’usure ne crée jamais elle-même le surendettement. Les 18 milliards de dollars de dettes sous lesquels cette municipalité s’est effectivement écroulée, n’ont pas été produits par les conditions d’emprunts. Ceux-ci n’auraient jamais dû être contractés, certes, mais ils n’ont jamais fait qu’aggraver la gabegie. Nombre de collectivités locales françaises ont subi le même phénomène, plombant la banque Dexia instituée précisément pour assurer ces financements contraires à l’ordre naturel.
Ce que l’Huma appelle ‘white flight’ c’est-à-dire la fuite des ouvriers blancs, hors des faubourgs de l’assistanat, n’est que le produit de la gestion laxiste et faussement « sociale » de services publics devenus parallèlement inexistants et coûteux. Malgré son déclin démographique, lent et régulier depuis un demi-siècle, Detroit comptait encore 1 fonctionnaire municipal pour 55 habitants contre 115 pour la ville comparable d’Indianapolis.
Attendons-nous donc à ce discours préfabriqué. On va l’entendre partout, sous des formes plus ou moins édulcorées : c’est la faute à l’ultra libéralisme.
En fait l’essor et la prospérité de Détroit auront été produits par la libre entreprise. En 1903 Henry Ford y fonde sa compagnie ; en 1908, General Motors, suivi en 1925 par Chrysler. C’est l’époque glorieuse du fordisme, fondé sur l’organisation rationnelle du travail et sur le compromis salarial en relation directe avec la productivité. Bien entendu cette médaille n’est pas dépourvue de revers, et Céline lui consacre un texte célèbre. (2)⇓
À partir des années 1930, l’agitation marxiste en fera la capitale du syndicalisme : en 1935, fondation de l’United Auto Workers (UAW) ; en 1937 General Motors et Chrysler cèdent devant les grèves. Ford tiendra le choc quelque temps. (3)⇓ Mais en 1941 une première « convention collective » est signée.
Après la guerre le système américain limite administrativement les augmentations de salaires. Ceci conduit les grandes entreprises à créer des « avantages sociaux ». Elles développent notamment les « retraites maison » qui vont durablement plomber les comptes de production.
Dans les années 1950 Detroit paraît encore une très grande ville américaine. Son influence culturelle n’est pas négligeable. Mais son déclin matériel a déjà commencé : elle perdra 60 % de sa population en 60 ans, passant de 1,8 million d’habitants en 1950 à 702 000 en 2010. D’autres paramètres aggravent le score : taux de chômage, gestionnaires corrompus, absence de couverture des régimes de pensions. L’ancien maire Kwame Kilpatrick, un politicien du Parti Démocrate, comme d’habitude, poursuivi pour fraude sous 24 chefs d’inculpation. La criminalité galopante, aggravée par l’existence de 78 000 immeubles réduits à l’état de squat, se traduit par un appel d’urgence toutes les 58 minutes.
Aujourd’hui le déclin de cette collectivité semble irrémédiable sauf à prendre des mesures radicales d’assainissement rendues incontournables par le chapitre IX de la loi sur les faillites.
Observons ici que cela ressemble beaucoup à ce que le « modèle français » de la sécurité sociale en général, et en particulier des retraites dites par « répartition » (un mot qui ne veut rien dire) est parvenu à réaliser au niveau de la nation, – et pas seulement dans l’industrie, mais aussi dans l’agriculture, l’hôtellerie-restauration, les métiers d’art etc. – détruisant ainsi toute la filière du « fabriqué en France ». (4)⇓
Apostilles
- cf. la chronique de la « Heritage Foundation » en date du 22 juillet⇑
- cf. dans le Voyage au bout de la nuit : « Et j’ai vu en effet des grands bâtiments trapus et vitrés, des sortes de cages à mouches sans fin dans lesquelles on discernait des hommes à remuer, mais à remuer à peine, comme s’ils ne se débattaient plus que faiblement contre je ne sais quoi d’impossible. C’était ça, Ford ? »⇑
- cf. 26 mai 1937 : « bataille de l’Overpass », où les syndicalistes « maison » de Ford rossent copîeusement les agitateurs de l’United Auto Workers, devant l’usine de River Rouge à Dearborn.⇑
- cf. La Sécurité sociale et comment s’en sortir » par Georges Lane.⇑
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