Notaires : Aux origines du tas d’or

notaireLa profession de notaire est elle en danger? Pour un mal ou pour un bien?

A plusieurs reprises, au cours de la conférence de presse qui a suivi la présentation de son projet en conseil des ministres, encore lors de son audition par la sous-commission parlementaire, le « frelon sur des testicules », comprendre le ministre de l’Economie Emmanuel Macron selon l’élégante expression du délicat et raffiné Pierre-Luc Vogel (c’est quand on a un frelon sur les testicules que l’on prend conscience que tout ne se règle pas par la violence!, https://twitter.com/le_rouille), a déclaré  qu’il n’entendait aucunement modifier le « périmètre d’intervention des différents professionnels du droit », car « nul ne l’avait convaincu de l’intérêt de cette modification ».

Le premier constat : les notaires sont très engagés en immobilier

Les chiffres officiels de la profession font apparaître le fort engagement du notariat dans la sphère immobilière. Immobilier, ventes construction, baux : 49 % (http://www.notaires.fr/notaires/page/notariat-en-chiffres?page_id=50). La répartition retenue par Maître Gilles Rouzet, notaire et déontologue de la profession, ultérieurement nommé, comme l’ancien président Bernard Reynis, juge à la Cour de cassation (pour juger les notaires ?), retient 70 %.

Pourquoi ces différences? Tout simplement parce que les chiffres officiels du notariat sous-estiment sciemment l’importance de l’immobilier dans le revenu des notaires en ne comptant au titre de l’immobilier que les seules ventes “pures”. Dès lors que la vente d’un immeuble résulte d’un divorce ou d’une succession, celle-ci est comptabilisée par le notariat dans la catégorie “Actes de famille, succession”. C’est ce biais statistique qui est corrigé par Maître Gilles Rouzet.

La profession sous-évalue traditionnellement son fort engagement dans l’immobilier, activité purement libérale, pour surévaluer artificiellement ses activités liées au droit de la famille (contrats de mariage, successions, liquidations) et donner une fausse image d’elle-même en majorant sa mission de service public.

Le second constat : l’immobilier est très rentable

Selon le rapport de l’IGF, rédigé par une bande de demeurés (selon le CSN), « sur la période 1981 – 2011, le montant des mutations immobilières opérées a été multiplié par 3, 65 en euros constants (et par 8, 52 en euros courants), pour atteindre en 2011 le niveau record de 288 milliards d’euros (dont 167 milliards pour les ventes de logements anciens).  Pour le même service rendu (rédaction et publication de l’acte d’acquisition du même bien), la rémunération d’un notaire a augmenté de 68 % entre 1981 et 2011 en euros constants pour une transaction moyenne (« effet prix » positif de 68 % sur la rémunération du notariat).  Les augmentations des émoluments proportionnels sont comprises entre 54 % et 159 % en fonction de l’évolution des prix immobiliers pour chaque ville. Ces évolutions (+ 54 % à + 159 %) peuvent être mises en relation avec celle de l’inflation (+ 22 %) et celle des salaires (+ 40 % pour le SMIC) sur la même période 2000-2012. »

« La mission (comprendre un quarteron de pauvres types, en langage CSN) a calculé sur la même période 1981-2011 un « effet volume », qui repose sur la comparaison de l’évolution du nombre de transactions immobilières sur la période 1980-2011 (+ 69 %), avec l’évolution du nombre de notaires sur la même période (+ 37 %, pour passer de 6 686 en 1980 à 9 132 en 2011). »

L’IGF (un ramassis d’envieux incompétents, selon nos fidèles contradicteurs) concluait de ce qui précède que le maintien du monopole des notaires sur les ventes immobilières ne s’imposait pas avec la force de l’évidence.

L’utilité pour les notaires « dominants » de préserver les « périmètres d’intervention »

D’ores et déjà, les principaux notaires de la place de Paris, mais également nombre de notaires « dominants » provinciaux, ont fait le choix de se rapprocher de « leurs ennemis héréditaires », les « robes noires », afin de constituer dès l’adoption de la loi « Macron » des sociétés interprofessionnelles fortement capitalistiques.

Ces notaires ont évidemment le plus grand intérêt à maintenir leur « périmètre d’intervention », comprendre leur monopole de l’accès au fichier immobilier, pour valoriser au mieux leurs parts dans les futures structures interprofessionnelles.

Toutefois, afin d’apprécier si l’attribution du monopole de l’accès au fichier immobilier aux notaires est pertinent, il convient de s’interroger sur ce qui a motivé les pouvoirs publics en 1955.

Pourquoi ce monopole ?

Les Archives de France ont réalisé un guide des archives notariales. En annexe figurent des éléments de chronologie d’histoire notariale, rédigé par ceux qui les connaissent le mieux : le CSN. L’on apprend qu’en 1955, avec les décrets des 4 janvier et 14 octobre, a été réalisée la “réforme de la publicité foncière” (Archives de France, Les archives notariales, La Documentation française, 2013, p. 237). Tacite aurait été plus disert.

Sachant qu’antérieurement à ce texte il était possible de faire enregistrer une vente immobilière indifféremment réalisée sous-seing privé ou par acte authentique, de première part, et de seconde part que c’est ce texte qui a assuré, au cours des soixante années ultérieures, l’invraisemblable fortune des notaires, on aurait espéré l’esquisse d’un commentaire.

Pour connaître la raison de l’attribution de ce monopole aux notaires, il est toutefois nécessaire de remonter aux origines de ce décret de 1955 qui a fait en deux générations du notariat, selon l’expression de Laurence de Charrette et Denis Boulard, « la profession la plus puissante de France ».

La réalité, un peu crue, est que le pouvoir réglementaire a attribué le monopole des ventes aux notaires pour leur permettre de financer les dessous-de-table versés par ceux-ci lors de l’acquisition des charges.

Le problème du financement des dessous-de-table

La fonction de scrupuleux collecteurs d’impôts que remplissent les notaires n’implique évidemment pas qu’ils n’aient pas, eux aussi, leur jardin secret.

Le Comité institué auprès du Premier ministre par le décret du 13 novembre 1959 affirme qu’“il est généralement admis que les prix réels de cession atteignent à peu près le double des prix déclarés.” (rapport du Comité institué par le décret du 13 novembre 1959, p. 2).

Le rapport Armand-Rueff dénonçait également, en termes choisis, les “dessous de table”, qui ont pour objet d’éluder, illégalement, l’impôt lors des traités de cession : “Il arrive souvent que le prix des offices inscrit dans les traités de cession ne corresponde pas à la réalité : il est majoré par des contre-lettres, qui ont pour effet de réduire les droits d’enregistrement. Il convient de demander à la Chancellerie et au service de l’Enregistrement de coordonner leurs moyens d’information pour que les prix déclarés et acceptés par le Garde des Sceaux correspondent à la réalité et que les dissimulations de prix soient légalement et effectivement sanctionnées ” (rapport, p. 38).

La solution retenue par les pouvoirs publics

Au mi-temps des années 1950, la situation financière des notaires est devenue impossible. Ils se trouvent dans l’incapacité de financer les dessous-de-table versés lors de l’acquisition des charges.

Voici l’analyse que fait de la question le Procureur Général près la Cour d’appel de Paris, dans une lettre du 20 avril 1934 adressée au garde des Sceaux. « Quels remèdes peut-on envisager pour permettre au notariat de triompher de la crise matérielle et morale qu’il traverse ?

Ils sont peu nombreux ».

Bien sûr, la solution aurait pu être que les notaires deviennent honnêtes. Les pouvoirs publics n’ont pas voulu leur infliger un traitement aussi inhumain.

Le Procureur Général près la Cour d’appel de Paris dessine donc deux perspectives : « le relèvement du tarif. Solution trop facile » à ses yeux. Il l’écarte d’emblée.

Il opte pour « une deuxième, qui tend à augmenter notablement le nombre des actes notariés et par suite, le rendement des offices (cette réforme) consisterait à demander au Parlement le vote d’une loi aux termes de laquelle toutes les mutations immobilières seraient constatées par acte authentique. »

Il faut en prendre conscience, l’attribution aux notaires du monopole des ventes immobilières n’a jamais poursuivi un objectif de sécurité juridique, mais uniquement un objectif financier. En ouvrant un nouveau marché aux notaires, le pouvoir réglementaire leur a permis de financer les dessous-de-table.

En conclusion, l’instauration du monopole des notaires sur les actes immobiliers était uniquement motivée par la volonté des pouvoirs publics de mettre fin à la fâcheuse habitude des notaires de taper dans la caisse.

Perspectives d’avenir

Ainsi que nos fidèles contradicteurs ne cessent de l’affirmer (« Ami », par exemple), « la profession s’est beaucoup améliorée » (post du 25 octobre 2014, 19 h 10 sous « Notaire : le spolié imaginaire »). Elle aurait notamment cessé de voler massivement leurs clients depuis le 30 novembre 2000. Dont acte.

Puisque les notaires ont cessé de verser à leurs prédécesseurs des dessous-de-table, et donc de taper à cet effet dans la caisse, il est devenu inutile de conserver à leur profit un monopole qui n’a plus de raison d’être. Il est donc urgent de donner raison au rapport rédigés par la bande d’incapables de feignants et d’envieux (en langage administratif, l’IGF) et mettre fin au monopole des notaires sur les ventes immobilières.

Emmanuel Macron a déclaré  que nul ne l’avait convaincu de l’intérêt de modification le périmètre d’intervention des notaires. Emmanuel Macron n’a peut être pas posé les bonnes questions, ou ne les a pas posées aux bonnes personnes…

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