Ballon-sonde: fiscaliser les intérêts du livret A
D’une manière ou d’une autre, le livret A sera soumis au régime général, ce n’est qu’une question de temps.
Comme le précédent, probablement parce que conseillé par les mêmes spécialistes de la communication, l’actuel gouvernement procède par « ballon-sondes ». Voici qu’hier, Pierre Duquesne, ancien conseiller économique de Lionel Jospin, a remis hier son rapport sur la réforme de l’épargne réglementée commandé cet été par le gouvernement. « Dans le contexte financier actuel, le doublement des plafonds du livret A et du livret de développement durable, qui permettra de financer le logement social et les PME, peut s’accompagner d’une réflexion sur les paramètres de l’épargne réglementée« , estime-t-il en préambule de son analyse. Pierre Duquesne ne remet donc pas en cause les engagements du gouvernement concernant le doublement des plafonds de dépôt du livret A et du LDD (doublement de celui du LDD au 1er octobre, à 12 000 €, relèvement de 25 % de celui du livret A au 1er octobre, à 19 125 €, suivi d’un second relèvement de 25 %, soit un plafond porté à 22 950 €, programmé pour la fin de l’année 2012). Pour le livret A, il estime même que « les deux dernières augmentations du même montant peuvent sans doute (à conditions de marché et de collecte inchangées) intervenir début 2015 et début 2016 ». Cela n’a bien sûr rien d’étonnant venant de sa part. L’épargne collectée par le biais du Livret A et du LDD allant alimenter via la CDG le fond de roulement de l’Etat, il est logique que « le contexte financier actuel » amène l’Etat à tenter de drainer plus d’argent sur ces supports que sur l’assurance-vie dont les fonds sont gérés sur des supports privés.
Parmi les paramètres de l’épargne réglementée qui pourraient être modifiés, Pierre Duquesne plaide notamment pour une « simplification » (sic) de la formule de fixation du taux des livrets. Il préconise un ajustement annuel, « préférable aux changements semestriels ». Préférable en quoi, il omet de le préciser. Nous imaginons bien la réponse, l’ajustement se faisant à posteriori, il revient moins cher de servir un intérêt majoré tous les ans que tous les semestres. En fait d’ajustement, il s’agit de diminuer mécaniquement les intérêts acquis sur l’épargne du livret A. C’est ainsi que le conseiller socialiste préconise que le taux des livrets soit ainsi égal au « taux d’inflation en glissement sur douze mois augmenté de 10 % du taux de croissance« .
S’agissant de la fiscalité des livrets réglementés, Pierre Duquesne estime que « l’idée de l’imposition des prélèvements sociaux (…), au-dessus d’un certain niveau de dépôt, ne doit pas (…) être considérée comme taboue« . C’est beau comme du Hollande. En clair, le conseiller socialiste préconise de faire tomber le tabou de la fiscalisation des revenus du livret A . Bien évidemment, dans un premier temps sur les sommes dépassant le montant maximum actuel, histoire de nous habituer à la chose en précisant qu’elle ne touche que « ceux qui ont beaucoup d’argent », puis, petit à petit, il suffira de descendre le plafond ou tout simplement de ne pas le modifier en valeur absolue pour que, mécaniquement, de plus en plus d’épargnants soient touchés pour, enfin, pouvoir fiscaliser tout le monde. Comme toujours, c’est le premier qui coûte, mais c’est aussi le plus important, car c’est celui qui ouvre les portes…
Enfin, pour vous, « petits filous » qui avez ouvert des livrets A aux noms de vos enfants, le conseiller socialiste, perspicace, préconise que les futures augmentations de plafond ne bénéficient pas aux détenteurs mineurs afin d’éviter toute critique sur « l’effet d’aubaine dont bénéficierait une famille nombreuse fortunée qui saturerait ses multiples livrets A ». Ah, ces familles nombreuses fortunée, une plaie pour la république, j’vous dis, moi!
En tous cas si pour le moment le livret A demeure le meilleur placement sûr pour votre épargne disponible, il faut avoir conscience que là aussi nous entrons dans une période de grande insécurité fiscale et qu’il faudra peut être rapidement changer notre fusil d’épaule.