Le socialisme a fait son oeuvre au Vénézuela
Un des pays les plus riches d’Amérique Latine sombre dans la misère
Une situation prévisible et… prédite
En 2009, j’avais analysé en profondeur la situation socio-économique du Venezuela et son évolution sous le règne d’Hugo Chavez (parties 1, 2, 3 et 4). Voici ce que j’écrivais en conclusion :
Au cours de sa présidence, Chavez a utilisé les revenus provenant du pétrole, lesquels ont explosé grâce à la hausse fulgurante du prix du pétrole, pour aider les plus démunis. C’était une stratégie plutôt simple et efficace pour prendre le pouvoir puisque au début de son premier mandat, environ 50% de la population du pays était considérée comme pauvre (ce chiffre est descendu à 31.5% au début de 2008).
Advenant une baisse du prix du pétrole ou de la production, il aurait à couper drastiquement dans les dépenses, à défaut de quoi il mettrait le pays dans une situation financière encore plus précaire.
Selon moi, c’est la production de PDVSA qui sonnera le glas de Chavez. Avec toute son ingérence dans l’industrie pétrolière du pays, la production de pétrole est en chute libre. Le prix du pétrole continuera certes d’augmenter au cours des 10 prochaines années, mais à un rythme moindre qu’au cours des 10 dernières années. S’il fallait que la production baisse plus vite que le prix monte, les revenus de l’État chuteront et Chavez devra couper dans le filet social. Les conséquences seront fatales pour le chavismo…
Présentement, le Venezuela est clairement sur les traces de Cuba; i.e. que Chavez est en train d’amener le pays, peu à peu, vers une dictature socialiste militaire-totalitaire.
« Le socialisme ne dure que tant que dure l’argent des autres »
Aujourd’hui, plus de 5 ans après la publication de ces articles, il s’avère malheureusement que j’ai eu raison sur plusieurs points.
Le régime manque de devises étrangères, ce qui l’empêche d’importer des biens de première nécessité et de payer ses dettes. Environ 75% des biens consommés au Venezuela sont importés. Le pays fait face à des pénuries de biens essentiels comme le lait et la farine, en passant par le shampoing, le papier de toilette et les serviettes sanitaires. Des files d’attentes de plusieurs centaines de personnes se forment chaque jour devant les supermarchés. Une dizaine de patients sont récemment décédés dans un hôpital de Caracas par manque de valves coronariennes.
L’administration Maduro blâme les commerçants et impose des contrôles de prix, ce qui a évidemment comme conséquence d’accentuer les pénuries. Des dirigeants de pharmacies et de supermarchés ont été arrêtés. Il est maintenant interdit de photographier les étagères vides des supermarchés appartenant au gouvernement, et des journalistes ont été arrêtés pour avoir rapporté les faits quant aux pénuries.
Entre 2000 et 2012, le gouvernement a bénéficié d’environ $800 milliards en revenus pétroliers, ce qui est environ 2.5 fois plus que durant les 13 années précédentes (ajusté pour l’inflation). C’est ça qui a permis à Chavez d’ancrer son régime. Le nombre de fonctionnaires a plus que doublé en 16 ans alors que Chavez a exproprié ou nationalisé 1,200 entreprises. Le déficit de gouvernement a explosé à 20% du PIB et la dette du pays a fortement augmenté. L’inflation a accéléré tandis que le PIB est en diminution. La pauvreté a recommencé à augmenter, tout comme l’insatisfaction de la population.
Les réserves de change ne se situent maintenant qu’à $21.4 milliards alors que le pays fait face à des sorties de fonds de $35 milliards cette année. Devant une situation financière aussi précaire, le gouvernement est en mode gestion de crise et tente d’obtenir des prêts d’urgence auprès d’autres pays. Les marchés financiers reflètent une probabilité de 65% que le pays va faire défaut sur sa dette en 2015. En novembre 2014, le pays a été sauvé par un prêt de $4 milliards de la Chine, mais cet argent fond comme neige au soleil. Si bien que la Chine annonçait il y a quelques jours qu’elle prêtera un autre $10 milliards au Venezuela pour lui permettre de subsister quelques mois de plus.
Le taux d’approbation de Maduro a chuté à 20%. Une élection présidentielle aura lieu plus tard en 2015. Par ailleurs, le parti de Maduro, le PSUV, une coalition de groupuscules socialistes, est en train de se démanteler. Certains membres du parti accusent Maduro de trahir Chavez et de ne pas être assez radical dans son application de la révolution socialiste bolivarienne! De plus, il y a de plus en plus de frictions entre l’armée et les milices bolivariennes armées.
Par ailleurs, le pays s’approche de plus en plus du totalitarisme. Le 27 janvier dernier, le ministre de la défense a imposé un décret permettant à l’armée d’utiliser leurs armes contre des protestants s’ils font preuve de violence. L’obstruction envers les médias indépendants a continué. Seulement le quart de la population a confiance en l’autorité électorale. Les prisonniers politiques se font de plus en plus nombreux, incluant Leopoldo Lopez, fondateur du parti Voluntad Popular, mis «provisoirement» en prison, il y croupit depuis un an, ainsi que le maire de la capitale Caracas, Antonio Ledezma.
En 2003, Chavez avait renvoyé 18,000 employés (50%) de PDVSA parce qu’ils avaient participé à une manifestation dénonçant la politisation de cette entreprise d’état. Beaucoup de ces gens constituaient l’intelligentsia de PDVSA et durent s’expatrier aux États-Unis, au Mexique, en Colombie, au Pérou et même en Alberta. La communauté vénézuélienne de l’Alberta est passée de 465 en 2001 à 3,860 en 2011! L’un d’eux a même fondé un nouveau centre de recherche à l’Université de Calgary. Mais c’est certainement la Colombie qui a le plus bénéficié de l’exode des cerveaux du Vénézuela.
Par ailleurs, la surévaluation du Bolivar imposée par le gouvernement du Vénézuela nuit aussi beaucoup aux opérations de PDVSA. En fait, ce que l’on a observé est que si on dilapide le capital d’une entreprise plutôt que d’y réinvestir, sa production ne peut qu’en souffrir. C’est l’accumulation du capital productif par l’investissement qui mousse la productivité et engendre la richesse.
Conclusion
Plutôt que de porter le blâme et changer le système, Maduro préfère rejeter la responsabilité de cette débâcle sur le dos de la politique « impérialiste » des États-Unis. Le Président est devenu quasi paranoïaque et voit des complots partout.
Malheureusement, le Venezuela prouve une fois de plus que le socialisme détruit la richesse et appauvrit la population. Par ailleurs, un régime socialiste ne peut subsister qu’en affaiblissant constamment la démocratie et les libertés individuelles, jusqu’à sombrer dans le totalitarisme militaire. Espérons que le monde apprendra une fois pour toutes des erreurs des Vénézuéliens…
Sources :
http://www.bloomberg.com/news/articles/2014-12-12/venezuela-s-got-21-billion-owes-21-billion-as-crisis-builds
http://www.reuters.com/article/2015/03/19/us-venezuela-china-idUSKBN0MF2AD20150319