De la perversion de la démocratie
La soupe est si bonne que nous ne sommes pas près de voir diminuer le mille-feuille administratif…
La campagne des municipales le confirmera peut-être en partie. On le sentira dans les non-dits éclatants, plus éloquents que les grandes déclarations de principe. On commence déjà à le mesurer dans les rivalités de personnes pour la composition des listes. (1)⇓ Bref la classe politique se résume de plus en plus à des profitariats de fonctions.
Certes, après avoir été monopolisée entre les différentes nuances et variantes du marxisme et de la technocratie, l’idéologie était devenue suspecte. La faillite honteuse de l’Union Soviétique n’a pas seulement dévalorisé son utopie manifestement criminelle. On a aussi considéré comme frappé d’obsolescence tout ce qui tirait sa vocation de la critique du système stalinien. Qui va lire aujourd’hui les excellents livres d’Alain Besançon ou d’Arthur Koestler ? Ne parlons même pas de ceux de Soljenitsyne. « La Ferme des Animaux » d’Orwell ne servira donc plus que comme fable de La Fontaine ou comme exercice de version. Plus aucun jeune lecteur ne sera invité à en mesurer le contexte, celui des accords de Yalta.
La défense des libertés semble donc avoir perdu toute signification concrète aux yeux de citoyens aseptisés, technocratisés, autocensurés, mûrs pour l’asservissement.
Dépassionnées, nos soi-disant élites d’élus se cantonnent ainsi, dès leurs années de formation, dans ce qu’on appelle d’un mot qui ne voulait rien dire autrefois en français, mais qui désigne bel et bien, désormais, leur réalité de leur insignifiance : nous vivons, ou nous survivons, sous le règne de leur « gouvernance. »
On pourrait citer les exemples, multiplier les arguments chiffrés : ce qui enrichit ordinairement le propos tendrait ici à en appauvrir la portée. Ce qui fait l’objet des statistiques officielles revêt en général moins d’importance que ce compte vraiment. En dehors d’une poignée de défenseurs des libertés, qui s’indigne vraiment de la gabegie de structures énormes et opaques comme le conseil de Paris, à la fois gestionnaires, ou pour mieux dire di-gestionnaires d’une ville et d’un département ? Qui donc, dans le grand public des cochons de payants, se tient informé du contenu des deux lois financières votées en décembre ? Probablement pas grand monde, puisqu’on accepte d’entendre parler comme si le gouvernement allait diminuer les dépenses alors qu’il ne s’apprête en 2014, et encore très mollement, qu’à en ralentir la hausse.
Car ça commence par le nombre de ministres. Ayez la curiosité de regarder combien entouraient Louis XIV, affreux étatiste par ailleurs, au grand siècle. En 1789, à l’ouverture des États Généraux, Louis XVI en réunissait 6. Bonaparte, dix ans plus tard : 7. Combien le gouvernement du socialiste Viviani en comptait-il encore quand éclate la guerre de 1914 ? Réponse : 17.
Depuis, pour supprimer les deux commissaires des grands États au sein de l’Union européenne, le génial Juppé lors de la préparation du traité de Nice arguait du fait qu’aujourd’hui 28+6=34 personnes pour gouverner plus de 400 millions d’Européens cela créerait un surnombre. Ainsi l’Allemagne et Malte sont-elles désormais placées sous le signe de l’égalité au sein de la commission de Bruxelles. Bravo l’artiste.
Mais pour régenter 60 millions de Français, ou d’habitants de l’Hexagone, chaque remaniement ministériel nous apporte un illustre inconnu de plus. Amusez-vous à énumérer les noms de ceux que vous connaissez : parions que ce jeu de société pourrait faire fureur.
Les comparaisons internationales accablent ici, une fois de plus, le système français. Suggérons à Hollande, qui se pose la double question de « quand » et « par qui » remplacer son brillant camarade Jean-Marc Ayrault, largement usagé, pour ne pas dire hors d’usage. Eh bien qu’il aille jusqu’au bout du régime présidentiel et du quinquennat, et qu’il renonce à l’existence, totalement inutile, de son Premier ministre, de ses conseillers, de leurs voitures de fonctions et chauffeurs de maîtres, et qu’il mette donc en vente l’hôtel de Matignon. Mon Dieu ! quelle réforme révolutionnaire : en serions-nous capables ?
Chacun déplore, à très juste titre le millefeuille administratif (2)⇓ et par conséquent le nombre des élus, la multiplication constante de leurs instances, qui, d’ailleurs, ne débattent plus de rien et ne décident pas grand-chose. On expédie le vote des budgets. Mais on augmente tous ces budgets tout simplement parce que ce sont les budgétivores qui décident.
Comment concevoir qu’ils entreprennent sérieusement la diminution des dépenses par lesquelles nos politiciens achètent, au frais des ménages contributeurs et des entreprises, le vote des électeurs assistés ?
Comment imaginer de faire voter la fin de leurs prébendes, sinon par l’affirmation d’abord, par l’organisation ensuite, de la société civile, en lutte contre les prébendiers en tant que classe parasitaire ? La survie de ce que nous appelons encore, formellement, démocratie libérale suppose ce changement de cap.
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One thought on “De la perversion de la démocratie”
Votre article montre que vous croyez en la liberté. Mais qui a envie d’être libre? Pourquoi faire? Et puisqu’il n’y a pas d’effets sans causes, nous sommes régis par un déterminisme absolu. La liberté est donc une illusion. Il n’y a pas de liberté authentique. Tout ce que je fais, je le fais parce que je ne peux pas faire autrement que de me conformer au principe de causalité.
Adolf Staline est donc la solution la plus simple. La plus cohérente. Brun rouge, rouge brun! Le confort mental d’une dictature en bonne et due forme… C’est exactement le genre de système qui convient à mon caractère profond. Le marécage soi-disant démocratique ne convient pas à mon déterminisme intérieur. Je ne suis pas équipé pour survivre dans ce genre de système. Donc je le combats.