David Cameron, le conservateur efficace…

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 Le Royaume Uni sort lentement mais surement de la crise. Pas seulement de la crise économique et financière, mais aussi, semble-t-il de la crise moral et d’identité…

Les élections britanniques de mai 2010 avaient créé une situation pratiquement inédite à Londres depuis la seconde guerre mondiale, et même depuis la grande réforme électorale de 1832 (1)⇓

 Les forces en présence à la chambre des communes se répartissaient, en effet, sans qu’existe une majorité claire : 307 « tories », 258 travaillistes, 57 libéraux et sociaux démocrates plus une vingtaine de députés issus des petits partis écossais [6], gallois [3], unionistes d’ulster [9], sinn feiners [5] ou socialistes irlandais [3], écolo [1].

Le parti conservateur, s’était maintes fois renouvelé depuis 1837, en s’agrégeant des libéraux-unionistes, etc. Mais dans le cas précis, il avait accepté pour la première fois de son histoire de gouverner dans le cadre d’une alliance avec un autre parti : les « libdems » (2)⇓ de Nick Clegg.

Ceux-ci ressemblent fort à nos centristes. Ils forment un mélange mou des enfants gâtés du libéralisme économique et de la sociale démocratie, du vieux parti libéral « whig » et des dissidents du travaillisme. Les conditions imposées par ce groupe semblaient insurmontables car parfaitement novatrices outre-Manche.

Il s’agissait d’une part de voter une réforme électorale aussi importante que celle du XIXe siècle, puisqu’elle introduirait le scrutin proportionnel.

On allait bloquer d’autre part à l’horizon 2015 la perspective de la législature suivante. Or, là aussi : novation. Car ceci amoindrit considérablement la force de gouvernement qui caractérise le cabinet de Westminster. La « prérogative royale » permet au contraire depuis toujours au Premier ministre de fixer au moment qui lui semble opportun la date des élections législatives en demandant à la Couronne de dissoudre la Chambre.

Nous autres en France demeurons toujours fixés sur les principes sans prendre garde à leur application. À ce titre, nous mesurons en général difficilement le mode fonctionnement, beaucoup plus pragmatique, de nos amis insulaires. Nous nous appuyons cependant tous, toujours très fort, sur les principes, si fort que nous espérons, un jour ou l’autre, les voir craquer.

Pour reconstruire l’Angleterre, car il fallait faire sortir le Royaume-Uni de la crise, David Cameron a accepté lui-même ces graves concessions et les circonstances se sont employées à faire échouer la principale. En mai 2011, en effet, un an après la constitution de ce gouvernement 67,9 % des sujets de Sa Gracieuse Majesté ont manifesté leur préférence civique pour le bon vieux scrutin majoritaire à un tour, qui favorise si fortement les deux grands partis. Nous devons souhaiter le maintien de ce système en Grande Bretagne et probablement aussi l’instituer en France, si nous voulons des gouvernements stables issus du suffrage universel en Europe.

Et donc, en contrepartie de ce projet centriste peu ou prou vidé de son contenu, la droite allait pouvoir s’employer à mettre en œuvre son programme national de redressement. Inutile de rappeler combien la presse parisienne gauchisante, – une expression à pléonasmes multiples, soit dit en passant – a dénigré tout ce que nos vieux amis ont entrepris depuis 3 ans pour le bien de leur pays.

L’actuel Premier ministre, le 75e dans l’Histoire du pays, et, alors âgé de 43 ans, le plus jeune depuis 200 ans, a su pendant trois ans braver l’impopularité. Il a donc mis en place diverses courageuses réformes.

Des réductions significatives de la dépense publique ont été effectuées. Elle était comptabilisée à hauteur de 47,4 % du PIB en 2009. Elle est passée à 43 % cette année. En deux ans le Royaume-Uni a supprimé 400 000 postes de fonctionnaires. Et dans le même temps le secteur privé créait 1,4 million d’emplois. Les salaires ont augmenté en moyenne de 2,9 % au deuxième trimestre 2013 par rapport à la même période de l’année précédente.

Considérant le travail comme la meilleure réponse au chômage étant, le gouvernement va obliger les chômeurs de plus de deux ans d’accomplir gratuitement des travaux d’intérêt général en contrepartie du maintien de leur allocation : faire des repas pour des personnes âgées, ramasser les ordures. Cela concernera environ 200 000 personnes. Le système des stages obligatoires sera appliqué avec davantage de rigueur. L’écheveau des 51 formes d’aides sociales va être radicalement simplifié.

Dès 2010 les bien-pensants feignaient de s’inquiéter que « Cameron détricote les projets lancés par les travaillistes » (3)⇓ . Une idée d’autant plus saugrenue qu’il avait été élu pour ça.

Quand en 2011 David Cameron veut réduire l’immigration légale en Grande-Bretagne le même quotidien de la « bourgeoisie hexagonale intelligente » (4)⇓ ironisait, en s’abritant derrière le jugement d’un ministre centriste, sur ce « discours très imprudent ».

En 2013, en revanche la presse hexagonale semble découvrir un « David Cameron plus efficace que François Hollande » (5)⇓ . Pas difficile, dira-t-on.

En vue des élections fixées à 2015, et dans son discours de clôture du congrès de Manchester le 3 octobre, le Premier ministre a répété 15 fois son intention « d’achever la tâche entreprise ». Il pose en premier la poursuite de la rigueur budgétaire, pour éradiquer le déficit encore très lourd et dégager un excédent d’ici à 2020.

La Grande-Bretagne se retirerait de certaines conventions mondialistes afin de pouvoir durcir encore les conditions d’immigration et « expulser les terroristes » sans possibilité d’appel. Les impôts baisseront. Le gouvernement cherchera à aider les ménages à acquérir un logement en facilitant leurs emprunts. Le chef du gouvernement aurait même évoqué en privé ses regrets d’avoir été contraint de faire voter une loi sur le mariage unisexe, moins lourde de sens que la loi Taubira, du fait de la reconnaissance outre-Manche du mariage religieux.

Bref ce n’est pas au centre que les conservateurs britanniques envisagent de conquérir la majorité absolue leur permettant de gouverner seuls après 2015.

Après une longue période de grogne, les résultats dont aux conservateurs 42 % des Britanniques font confiance aux conservateurs pour faire croître l’économie, contre 33 % aux travaillistes. Le président de l’institut de sondages YouGov le constate simplement : « si l’économie continue à progresser régulièrement, le discours conservateur va s’imposer. »

JG Malliarakis

Apostilles

    1.  Celle-ci est racontée, en même temps que la genèse du parti conservateur, dans le fameux roman manifeste de Disraëli Coningsby.

  1.  renonçons ici à les appeler « libéraux démocrates » : cette appellation n’a absolument pas le même sens dans les deux langues.
  2.  cf. Le Monde, 17 juin 2010.
  3.  cf. Le Monde.fr en ligne le 4.10.2013 à 21h25
  4.  cf. Le Point.fr le 04/10/2013 à 09:37.

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