Lettre ouverte à Marisol Touraine

D’après le docteur D., chirurgien, les solutions existent qui respectent et valorisent le travail des uns et assurent la garantie de soins des autres.

Le docteur D. est chirurgien, « retraité actif » après 50 ans d’exercice. Il nous a fait parvenir la lettre suivante, adressée à Madame Marisol Touraine, ministre de la santé. A contre-courant de la plupart des réactions et des propositions qui voient le jour pour suppléer aux carences de notre système de santé, le docteur D. propose ni plus ni moins que la prise en charge intégrale des frais de santé par la Sécurité Sociale:

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Préambule:

Après les manifestations bruyantes chacun prendra, dans le plus parfait silence, les décisions personnelles que la gestion de leurs cabinets leur imposeront : partir dans d’autres pays où ils seront mieux rémunérés comme en Allemagne deux à trois fois mieux, abandonner le métier avant la fin de son âge, se suicider ne sachant rien faire d’autre, faire de la médecine de papiers. Mais surtout lever le pied sur les gros chantiers chirurgicaux, bidocher comme on dit à PARIS, transférer les cas difficiles vers les hôpitaux, licencier du personnel du cabinet privé, ne pas acheter de nouveaux appareils trop ruineux, raccourcir les consultations, ne serait-ce que de 5 minutes, multiplier les actes, ne serait-ce que deux fois ! Misérables que nous sommes devant la socialisation de la médecine mais que faire ? Voilà le jugement qui vous attend à l’avenir MARISOL TOURAINE et ELIZABEH MARTICHOUX. Vous serez rendues responsable de la perte progressive de l’excellence de la chirurgie !

Lettre à Madame le Ministre de la Santé:

Chère Marisol,
Madame, ne sentez-vous pas que ce qui se passe, cette fois, n’est pas seulement un éclatement des syndicats médicaux, mais surtout un rassemblement sur des principes philosophiques ? Vous allez maintenant porter une très lourde responsabilité pendant plusieurs décades. Avant de valider cet Avenant 8, suivez donc les conseils bibliques et demandez encore autour de vous. Demandez à votre frère Jean Pierre, et il vous dira. Demandez à votre père Alain, et il vous expliquera que l’assurance-maladie est une usine à gaz dont on ne pourra plus arrêter l’incendie. Demandez aux anciens et ils vous expliqueront pourquoi les médecins, en 1925, étaient dans le consensus le plus complet que, depuis l’établissement des chaînes conventionnelles les voilà éparpillés, ligotés, privés de leurs libertés essentielles en exercice libéral.

Le seul point sur lequel votre discours est entendu, ce n’est que la difficulté d’accès aux soins de la part des plus démunis, des plus éloignés, des plus affaiblis par la maladie. Mais cela résulte, notez bien cela, de la seule existence du tiers garant, uniquement que de cela, une modalité que l’Assurance Maladie a voulue pour reporter les tensions de ses bureaux avec les malades vers les médecins. Voilà c’est de leur faute ! Salauds de riches !

Marisol, n’oubliez pas que vous avez quatre problèmes essentiels à régler en matière de santé, si possible en une seule fois. Ce sont les honoraires, ce sont les déserts ruraux, c’est l’abandon de la garde par les libéraux, c’est la pénurie que tous vont bientôt ressentir surtout dans les spécialités difficiles à exercer.

Pour résoudre ces quatre problèmes d’un seul coup, d’un seul coup, en un seul geste, il vous suffit de lever le petit doigt et de faire passer une Loi que voici. « Par décision ministérielle, plus aucun patient ne paiera ses médicaments, ne paiera ses médecins, ne paiera ses examens. Tout désormais sera payé sans restrictions aux différents professionnels de santé en tiers payant trimestriel ». Quant aux hôpitaux démunis qui cherchent un chirurgien, un accoucheur, un anesthésiste réanimateur, il suffit de faire sauter l’égalité des traitements pour la remplacer par la Loi de l’offre et de la demande. Marisol, croyez vous qu’un biologiste des hôpitaux doive recevoir les mêmes émoluments qu’un chirurgien du cœur ?

Les médecins pourront ainsi récupérer la liberté de leurs honoraires, la liberté de leurs prescriptions, leur liberté d’agir, tout ceci avec l’approbation de leurs malades qui nous applaudiront et vous avec. Un seul geste : une Loi de deux lignes : le tiers payant généralisé.

Le Premier Ministre verrait sa hausse de popularité grimper de 20 points. Le Président de la République pourrait terminer son mandat sans réelle difficulté de pédalage. Vous deviendriez populaire et ainsi Ministre de premier rang.

On me souffle dans l’oreillette que cela va coûter cher. Pas du tout ! Ce système a été adopté par Bismarck en 1882, et en pourcentage de PIB, les dépenses de santé des allemands sont inférieures aux nôtres. Demandez aux anciens ou à nos voisins et ils vous expliqueront.

Mais attention, le tiers payant intégral, c’est la disparition de la multitude des Complémentaires Santé et des assurances privées. Comme beaucoup, vous me direz que c’est impossible car ce sont vos vrais partenaires. N’oubliez pas qu’en 1945, lors des ordonnances mettant en place l’Assurance Maladie, la création du monopole de la Sécurité Sociale comportait la suppression et la saisie des caisses sociales qui existaient déjà, dont les fonds, les placements et les cotisations furent confisquées. Notamment à la CFTC, malgré les plaintes de Gaston TESSIER en 1945. Demandez aux anciens et ils vous expliqueront.

Merci de m’avoir lu,

Docteur D.,

Chirurgien en retraite active après 50 ans d’exercice

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