Taxe d’habitation, mauvais début pour Macron?

Le Président Macron, récemment élu et pas encore aux commandes, a prévu dans son programme un réaménagement de la taxe d’habitation. Avancée, reculade, poudre aux yeux ?

La taxe d’habitation telle qu’existante

La taxe d’habitation est une ressource majeure des collectivités locales (entre 40 et 50% de leurs recettes). Sa philosophie est saine. Vous demeurez dans une commune, vous participez aux frais de fonctionnement de cette commune. Elle est complétée dans cette même logique par la taxe de séjour pour les touristes et la taxe sur les habitations mobiles pour les personnes qui vivent dans des caravanes ou assimilées.

A partir de cette logique saine, nos élites énarchistes ont réussi le tour de force de tout compliquer.

Le mode de calcul de la taxe d’habitation est typiquement français, c’est à dire digne du plus parfait montage « usine à gaz ». En théorie, vous avez une valeur locative (déterminée par les services fiscaux…..) et des taux d’imposition décidés par la commune et la communauté de communes…

Mais ce n’est pas si simple.

  • Il y a les abattements qui font évoluer l’assiette.
  • Il y a les frais de gestion que prélève l’État pour la gestion du calcul et de la perception des contributions.
  • Il y a le prélèvement supplémentaire pour les « riches » qui jouissent d’une résidence à forte valeur locative.
  • Il y a le taux majoré pour ceux qui sont moins souvent présents sur la commune (sic), les résidences secondaires.
  • Il y a les dégrèvements totaux accordés (par l’État) aux personnes qui sont en dessous d’un montant de revenus établi chaque chaque année.
  • Il y a les dégrèvements partiels accordés « aux personnes dont les ressources de l’année précédente ne dépassent pas un certain seuil fixé chaque année par le gouvernement (25.156 euros actuellement) pour la première part de quotient familial, majorée de 5.877 euros pour la première demi-part supplémentaire et de 4.626 euros pour les autres demi-parts. Le dégrèvement porte sur le montant de la taxe d’habitation qui excède 3,44 % du revenu 2015 tel que défini ci-dessus, diminué d’un abattement de 5.457 euros pour la première part de quotient familial, 1.578 euros pour les quatre premières demi-parts supplémentaires et 2.790 euros pour les autres demi-parts. »

Ces différents dispositifs amènent une situation dans laquelle de 9 à 26%, selon les régions (12% au niveau national), des foyers sont exonérés de taxe d’habitation.

Or, force est de se demander s’il existe une bonne raison pour exempter complètement un foyer de sa contribution aux dépenses collectives de sa commune.

La « grande » idée de Emmanuel Macron

Emmanuel Macron, dans un grand élan de démagogie, a déclaré la taxe d’habitation « impôt injuste » et décidé que les foyers dont le revenu fiscal pondéré serait inférieur à 20 000€ par part (40 000 pour un couple, 50 000 pour un couple avec un enfant) devaient en être exempté. Ce qui revient à terme à en exempter 80% des foyers français.

Le manque à gagner pour les communes serait comblé par une augmentation proportionnelle (« au ct près » à affirmé le candidat…) de la dotation…

Mais où diable ce Président va-t-il trouver ces sommes dans un budget national qui en est déjà à 32% de déficit ?
Et comment en actualiser les montants virtuels dans les années qui suivent ?
Certaines communes ne seront elles pas tentées d’en augmenter les taux d’autant plus rapidement que la charge pèsera sur l’État et non (directement) sur les contribuables locaux ?

La réponse à ces interrogations est simple : augmentation de la fiscalité nationale!

Il s’agira donc de reprendre d’une main ce que l’autre aura fait mine d’accorder….

Bien évidemment, puisque l’État aura repris la main sur le financement des communes (situation qui existait déjà avant les lois sur la décentralisation de Deferre), et au nom du principe selon lequel « celui qui paie décide.. », il ne manquera pas de s’immiscer encore plus fortement qu’aujourd’hui dans l’emploi de la dotation.

La mesure de Macron ne changera donc pas grand chose à la pression fiscale subie par les Français mais changera beaucoup dans les relations qui existent entre les collectivités locales et l’État.
Nous allons assister à un retour de l’ordre républicain jacobin, ou napoléonien, de l’État omniscient et omnipotent. Il s’agit d’un coup de canif à la décentralisation mais aussi, pour un européaniste militant tel que notre nouveau Président, au principe de subsidiarité censé régir les relations entre les différentes strates du mille-feuilles européen.

Accessoirement, cette exemption quasi généralisée nous éloigne encore un petit peu plus du principe de responsabilité qui veut que chaque membre de la communauté soit pleinement conscience du coût et du fonctionnement de celle-ci.

Et si nous réfléchissions à « autre chose » ?

Quid du caractère « injuste » de la taxe d’habitation ?

J’ai déjà évoqué plus haut ce que je pense de la légitimité de demander à tout habitant d’une commune une participation au frais de fonctionnement de cette commune.

Il ne fait néanmoins aucune doute qu’il faille revoir les modalités de cette imposition.

Imposition sur le revenu ? Pourquoi pas mais se posera alors le cas des résidences secondaires qui jouissent des infrastructures mais qui déclarent leur fiscalité sur leur commune principale.

Conserver la notion « d’habitation » ? Pourquoi pas mais alors il faudra simplifier considérablement les données constitutives du calcul et n’accorder aucune exonération a priori, laissant les communes seules juges de la pertinence de cette exonération au cas par cas. C’est aussi cela le principe de responsabilité, amener les élus locaux à décider des taux d’imposition et des exonérations et d’en répondre devant les administrés.

La « taxe foncière », la seul vraie taxe à supprimer !

Si la taxe d’habitation se justifie intellectuellement (un citoyen jouit d’infrastructures publiques au financement desquelles il participe en fonction de ses moyens et de ses revenus), la taxe foncière n’a en ce qui la concerne aucune justification.

Basée sur la valeur locative d’un bien dont vous êtes propriétaire (ou accédant à la propriété, ce qui est encore pire!!!), elle n’a d’autre intérêt que de participer au processus de paupérisation des foyers français.
Véritable impôt sur le capital (supposé puisque dans la plus part des cas non encore financé), il ne prend pas en compte vos revenus ou la quote-part des dépenses communales qui peuvent vous être imputables, mais votre supposée « richesse » constituée du solde de vos revenus déjà préalablement imposés. Cet impôt est donc contre productif puisque nous avons besoin actuellement en France d’un enrichissement généralisé permettant une relance tous azimuts des investissements et non d’un taxe à vocation égalitariste dont le seul effet est l’appauvrissement des foyers.

Comment pourrait on imaginer la fiscalité locale ?

La part de fiscalité locale concernant la population particulière pourrait être le terrain de la reconquête du pouvoir politique par le peuple.

Nous pouvons parfaitement imaginer que l’État, organe de régulation nationale, prélève chaque année un montant forfaitaire par habitant. Ce montant alimente un fond de péréquation dont le but est de lisser les écarts de revenus proportionnels des communes par rapport à un montant pivot calculé en tenant compte de la richesse de la population locale, des taux appliqués comparés aux taux moyens et d’impératifs éventuels. Il alimenterait aussi un fond d’intervention d’urgence assurant la prise en charge d’interventions nécessaires et ponctuelles, par exemple en cas de catastrophes naturelles.

La plus grande part de la fiscalité locale concernant la population serait approuvée par vote des résidents de la communauté concernée. Le conseil municipal, intercommunal, départemental ou régional présentant un ou plusieurs plans tenant compte des investissements et du fonctionnement sur une période triennale, soumettrait à la population ses projets qui dès lors en approuverait non seulement le contenu mais ses implications fiscales.

La fiscalité sur les entreprises ou les investissements à vocation de revenus, les quotes-parts de revenus sur des investissements inter-communautaires restant de l’unique pouvoir de décision des instances élues.

En conclusion

La fiscalité locale, comme d’ailleurs presque tous les pans de la fiscalité française, est à revoir. Malheureusement, le projet macronien sur la taxe d’habitation tel qu’exposé jusqu’à présent semble aller à contresens des objectifs que nous serions en droit d’attendre de cette réforme.
Il va renforcer le pouvoir de l’État sur les communes, il va déresponsabiliser encore plus les citoyens et augmenter cette sinistre impression que tout cela « ne coûte pas cher, puisque c’est l’État qui paie »….

Appelons de nos vœux les plus chers la mise en application du principe de subsidiarité, le desserrement de l’étau étatique, la fin du jacobinisme et le retour au pouvoir local…

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