Quand les emprunteurs chez Dexia jouent les victimes….

le franc suisse plombe les collectivitésAlors que certains, par ignorance ou ringardise, préconisent la nationalisation des banques, revenons sur le scandale Dexia

Dexia, comme le Crédit Lyonnais, était une banque gérée par des politiques

Il ne fait pas bon défendre les méchants banquiers. Surtout ceux qui, parce que leur banque n’était pas très bien gérée, auront coûté des milliards au contribuable, en terme de recapitalisation.
C’est le cas de Dexia, banque, notons le, semi publique, qui, à la différence de BNP Paribas de la Société Générale, nous aura coûté cher : 6.6 milliards d’euros dès 2013, selon la Cour des Comptes (1).

Mais outre le fait que cette banque, contrôlée depuis des années par des hommes politiques pourtant de haut niveau comme Jean-François Copé (dans les années 1990’s) ou plus récemment François Rebsamen (En 2007 et 2008, il est administrateur de Dexia-Crédit Local (2)), était mal gérée, elle est surtout connue pour avoir vendu à des collectivités locales les fameux « emprunts toxiques » (3).

Après moi le déluge, telle est la devise de la majorité des élus français

Un emprunt, tout le monde c’est ce que c’est : vous avez un projet à financer, vous allez voir une banque pour emprunter, et vous remboursez des mensualités qui comprennent le principal du prêt, et des intérêts. Notons, c’est important de le préciser, que personne n’est obligé d’emprunter. Il n’y a rien qui force un particulier à acheter son logement à crédit, tout comme il n’y a rien qui force un député-maire à payer la piscine municipale, la salle omnisport, les ronds points, un palais des congrès ou une ligne de tram à crédit.

Il y a, pour les particuliers comme pour les entreprises ou les collectivités, deux grandes catégories de prêts : à taux fixes ou à taux variables. Les français, dans leur immense majorité, ont privilégié les taux fixes, notamment à cause de la sécurité qu’ils apportent en terme de visibilité.
Seulement, à l’aube des années 2000, des politiciens, souvent de ceux qui dénoncent « la finance exubérante », les « innovations financières folles », « les marchés débridés » et autres « adversaires sans visage », ont cru être plus malins que les autres, en empruntant à taux variables : c’est l’affaires des emprunts structurés, dits « toxiques ».
Globalement, un emprunt structuré dit toxique a des chances (mais pas la certitude) de ressembler à un prêt subprime : doux au début, violent à la fin quand les condition changent.
Et ce que nous racontent les gentils politiciens au service de leurs intérêts de l’intérêt général, c’est qu’ils ne savaient pas, qu’ils se sont faits avoir par les méchants banquiers, qu’ils ont été bernés.

Ils essaient, par lâcheté, de se faire passer pour complètement, entraînant leurs Directeurs financiers

Ce type de défense, les gentils politiciens bernés par les méchants banquiers vendeurs d’emprunts structurés, dits « toxiques », pose un problème : elle risque de confirmer l’incompétence des fonctionnaires en charge des finances et des politiciens qui les supervisent.
En effet, quand 97 % de la dette de la Seine-Saint-Denis s’est composée d’emprunts structurés, qui a forcé Claude Bartolone à signer ces crédits ?
Et quand ce même Claude Bartolone porte plainte contre Dexia, que dit-il, si ce n’est, au choix, que :
soit les fonctionnaires de Seine Saint Denis en charge des finances, des Bac + 5 en finance publique recrutés sur concours, sont incompétents
soit que ces fonctionnaires savaient ce qu’ils faisaient mais que les politiciens qui ont pris les décisions ont sciemment pris trop de risques
Bref, Claude Bartolone envoie un très mauvais signal (4).

Le clientélisme et la démagogie, les deux moteurs des élus français

En plus d’être mauvais, ce signal est faux en ce qui concerne la première proposition, celle de l’incompétence des fonctionnaires. Une étude universitaires récemment publiée montre que les collectivités qui ont eu recours aux emprunts structurés, dits « toxiques » ne sont pas des petits villages dirigés par des maires lambda, mais les plus grosses collectivités, dirigées par des politiciens formés, censés être compétents, et entourés de conseillers.

Oui, en matière d’emprunts toxiques : certains élus locaux savaient ce qu’ils faisaient (5). C’est un professeur de finance de Harvard, qui a co-écrit « The Political Economy of Financial Innovation : Evidence from Local Governments » (6) , qui l’affirme.

En réalité, les emprunts structurés, dits « toxiques » ne sont que l’actualisation d’un vieux proverbe bien connu : « après moi, le déluge », et une variation autour du thème du cycle politique de la dépense publique. On le sait, les élus aiment rendre rapidement visibles les effets de la dépense publique tout en repoussant le cout, de préférence en la faisant payer par d’autres.

Pourquoi la ville de Saint-Etienne ne s’est pas tout simplement dit qu’elle n’avait pas les moyens de faire un tram ? Pourquoi le département de Seine Saint Denis n’a pas ajusté sa dépense publique au potentiel fiscal de ses contribuables ?
Et pourquoi les politiciens comme le sénateur maire PS François Rebsamen n’ont jamais eu à répondre de leurs actes ?

Telles sont quelques unes des questions auxquelles les politiciens comme Claude Bartolone ont à répondre. Ca fait quand même 5 ans que les contribuables sont exposés au risque Dexia (7). Il est temps d’avoir des explications

(1) Le Monde Le sauvetage raté de Dexia a coûté 6,6 milliards à la France 19 juillet 2013
(2) Le Post Le numéro 2 du PS rémunéré par Dexia: « En toute transparence » 16 octobre 2008
(3) Libération Carte des emprunts toxiques
(4) Le Parisien Libéral Banques : la Seine-Saint-Denis donne un mauvais signal 11 février 2011
(5) The Conversation Emprunts toxiques : certains élus locaux savaient ce qu’ils faisaient 10 mars 2016
(6) Harvard Business School « The Political Economy of Financial Innovation : Evidence from Local Governments »
(7) Contribuables Associés Emprunts toxiques : 5500 collectivités locales concernées 21 septembre 20111

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6 comments

  • … je ne réponds pas sur le fond, mais sur la forme :

    Vous avez écrit en titre : *** Alors que certains, par ignorance ou ringardise, préconisent la nationalisation des banques ***

    Cela suppose que vous n’êtes ni ignorant ou ringard, vous!
    Vous arrivez encore a mettre vos chaussures avec la taille de vos chevilles? les autres sont-ils tous cons, vous non?

    … quand au fond, nationaliser les banques (toutes) n’est pas un choix de gestion, mais une option politique dans un environnement ou l’argent n’est pas une marchandise comme une autre, comme la santé, par exemple.

    Mais on peut tres bien vous comprendre et je souhaite me tromper profondément, si vous faites partie de ces gens qui seraient capables de laisser crever quelqu’un si le cout des soins est supérieur a ce qu’il rapporte.

    Bonne-apres midi, il est 9 heures et des bricoles, ici, a Santiago du Chili.

    • Bonjour Hélios,

      Votre réaction m’étonne… Sincèrement, je ne pensais pas que vous puissiez être de ceux qui trouvent normal que l’argent public soit utilisé à combler les erreurs de gestion de banquiers privés!!!!!! Quand je dis « par ignorance ou par ringardise », c’est très exactement cela que je dis. Il y a des politiques français qui d’un côté disent l’argent public ne doit pas servir à sauver des intérêts privés et de l’autre disent « il faut nationaliser les banques » aussitôt qu’une crise pointe son nez.
      Vous en connaissez, vous, des banques nationalisées qui ne coûtent pas au contribuable? L’article porte sur Dexia, bel exemple, non? Et le Crédit Lyonnais, c’est le maître étalon de la chose…. Les contribuables français paient depuis 20 ans pour ce « fer de lance », ce « bras armé » de l’Etat « acteur de l’économie nationale » et de « l’économie mixte »…. Le « bras cassé », oui!
      Ignorance donc parce que refusant de prendre en compte les enseignements de l’histoire qui veut que lorsque le pouvoir (tant monétaire qu’économique) est tenu par des zélus, ceux ci, à moins d’être d’une probité rare et peu courante chez les professionnels, l’utiliseront à des fins électoralistes et démagogiques. Ringardise pour ceux qui, connaissant ce travers veulent par idéologie datant du XIXième siècle continuer à revendiquer des âneries inefficaces et pire que le mal, justement par idéologie….
      Votre analogie avec la santé est intéressante. Je pourrais l’accepter et vous répondre que, justement, l’assurance santé publique ne fonctionne pas lorsque vous vous mettez en danger. Elle est là pour couvrir les dégâts de « la faute à pas de chance ». Mais comme nous ne sommes pas dans le même domaine que celui de la personne et que pour ma part mon attachement à la vie humaine n’est pas comparable à celui de mon attachement à la vie d’une entreprise, je vous répondrais qu’effectivement, je considère que lorsqu’une banque est au bord de la faillite, ce n’est pas à l’argent public de la sauver. Soit elle intéresse d’autres banques qui la reprennent, soit la banque centrale estime qu’il est indispensable de la sauver au nom de la « protection du risque systémique », soit elle crève. Je vous ferais remarquer que les pays qui ont opté pour cette dernière solution se sont sorti plus vite, mieux et totalement de la crise de 2007-2008, contrairement aux pays qui ont opté pour le sauvetage à tout prix. En éco, la nature a horreur du vide. D’ailleurs, pourquoi l’argent public devrait il sauver la banque qui fait faillite alors qu’elle a participé à sa situation et pas l’éleveur qui est victime de l’embargo sur la Russie ou mon voisin artisan qui n’arrive pas à payer le RSI? L’argent public au service des gros et non des petits qu’on laisse crever? Ce n’est pas ma conception de la chose publique. Aider tout le monde, quitte, au bout de quelques années d’avoir une économie étatique? C’est le suicide collectif.
      Non, décidément, je maintiens ma position et maintiens que nous avons maintenant suffisamment de recul depuis près de deux siècles pour affirmer qu’il faut être idéologue ringard ou ignorant de l’histoire pour continuer de prêcher la nationalisation des banques…. Et cela malgré le risque que je fais courir à mes chevilles 😉

  • Aï! Je suis gêné de devoir vous signaler quelques erreurs : voici la définition exacte des différents termes que vous employez sans les comprendre, ce qui m’étonne de vous! Prêts subprimes = prêts octroyés à emprunteur insolvable. Produits structurés : paquets de prêts de différentes qualités (du bon, du moyen et du mauvais) empaquetés de telle façon que l’acheteur ne sache pas vraiment ce qu’il achète. L’acheteur peut être n’importe qui. Une banque, un fond, un particulier. Emprunts toxiques = emprunts en Francs suisses (emprunter en CHF à 2% semble une bonne affaire sauf si le CHF prend de la valeur par rapport à l’Euro. ce simple fait suffit à le rendre toxique. Le fait qu’il soit par dessus le marché à taux variable introduit un facteur de risque supplémentaire dans les deux sens selon la variation des taux sur la durée de l’emprunt. Cet emprunt est toxique car l’emprunteur a parié dans le mauvais sens : la parité EURCHF a évolué dans le sens défavorable. Mais les taux ont évolué dans un sens encore plus favorable ce qui ne suffit malheureusement pas à compenser le glissement de la parité EURCHF. Il semble que dans ce cas, ce soit plutôt les municipalités qui soient coupables d’aveuglement car tout le monde sait que le Franc suisse est traditionnellement une devise forte. Quoiqu’il en soit, la banque aurait pu quand même déconseiller ce genre de prêts. Pour juger en équité, il faudrait avoir enregistré les négotiations entre la banque et les municipalités.

    Normalement, une banque (ou toute société possible et imaginable) détenue par exemple à 50% par l’Etat et à 50% par des actionnaires privés évite à la fois les inconvénients d’une société étatisée et ceux d’une société détenue à 100% par des actionnaires privés. A condition toutefois que la gestion soit confiée aux actionnaires privés (l’Etat étant un mauvais gestionnaire, mais un bon superviseur). Le système idéal est bien évidemment un système mixte (mi-étatique c’est à dire d’inspiration communiste, mi-privé, c’est à dire d’inspiration capitaliste de marché + concurrence libre et non faussée). Un système mixte capitalocommuniste est bien supérieur à un système socialiste (qui taxe en dépit du bon sens pour pratiquer une redistribution aléatoire et plutôt imbécile voire injuste) car 1) un tel système capitalocommuniste n’a plus besoin de prélever l’impôt (en tant qu’actionnaire à 50% de l’appareil de production, il touche des dividendes) et n’a plus besoin de redistribuer car l’échelle des salaires est réduite et le chômage est inexistant (tout le monde ayant un statut de fonctionnaire dont la force de travail est distribuée (louée) par l’Etat aux entreprises exactement comme dans une société d’intérim). Dans un tel système de mon invention, l’Etat possède 50% des parts sous forme d’actions gratuites et non cessibles permettant toutefois de toucher des dividendes et de siéger au conseil d’administration. Je vous fait grâce d’une description plus approfondie, car la chose risquerait de prendre plusieurs pages, mais mon système est quasi parfait et quasi génial (normal, j’en suis un…) Bizarre que personne n’y ait encore pensé.

    Quant à Dexia, cette affaire relève de la justice. En plus d’être incompétents les gestionnaires de cette banques étaient des escrocs.

    • Bonjour,

      Il serait trop long de reprendre les multiples erreurs que vous commettez dans votre commentaire. Ce n’est pas de la suffisance de ma part, c’est de l’insuffisance de temps. Je vous invite à lire l’ensemble de mes articles sur le sujet. Vos « définitions exactes » ne sont des approximations subjectives. Vous commettez l’erreur, fréquente malheureusement, qui consiste à appliquer sur un mot la conséquence du principe qu’il énonce. C’est comme cela que nous fabriquons des générations d’ignares qui « croient » savoir alors qu’ils ne connaissent que l’écume des choses.

Répondre à Thibault Doidy de Kerguelen Annuler la réponse

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