Petite histoire de l’urbanisme concentrationnaire…

Nos actuelles « cités » furent, à l’origine d’aimables cités. Pourtant, dès le départ, elles contenaient en germe cette évolution concentrationnaire né de leur origine collectiviste.

Certains y voient un mystère. Pourquoi tant de laideur se demandent-ils. Or, pratiquement tout ce que le public désapprouve… ou bien a été construit après l’institution en 1943 du permis de construire délivré par l’administration … ou bien résulte d’une maîtrise d’ouvrage étatique.

Du point de vue de l’Histoire politique on pourrait dater le désastre, assez exactement. Il correspond au passage de François Billoux au Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme. Dirigeant communiste il occupa ce poste durant la « grande année » 1946 : du 26 janvier au 24 juin puis du 24 juin au 16 décembre 1946, sous les ministères Félix Gouin puis Georges Bidault. (1)⇓

À la même époque furent votées la plupart des grandes lois désastreuses d’étatisation.

Ses propres fonctions le situent cette année-là à l’origine de l’urbanisme concentrationnaire.

Rappelons au besoin que cette année 1946 peut être considérée comme la première des trente « glorieuses » dont on nous rebat les oreilles. Les communistes y occupaient des postes fondamentaux. Et ceci aboutirait à la fondation d’un nouveau régime économique : la Fonction publique était contrôlée par Thorez, la Production industrielle par Marcel Paul, la Sécurité sociale en gestation par Ambroise Croizat, etc. Pour être complet soulignons aussi que, sans appartenir au gouvernement, Waldeck Rochet mettait au point le statut du fermage, Jacques Duclos travaillait à la nationalisation des compagnies d’assurances, que Paul Langevin et son compère Henri Wallon rédigeaient leur fameux « plan » dont nous continuons de payer l’influence, notamment quant à la liquidation de l’apprentissage. (2)⇓

Et donc leur collègue et/ou camarade Billoux jetait les bases d’un mode de construction dirigiste : purement quantitatif, administratif et collectif, il ne correspond ni aux besoins des Français, ni aux réalités de l’économie ; mais il demeure en référence dans tous les schémas. Il a pris une nouvelle vigueur avec la loi Gayssot (3)⇓ aux prétentions contraignantes et même punitives.

Soulignons à cet égard deux choses.

D’abord ce qu’on appelle le « logement social » étatique et attributif a largement été conduit sous l’influence politique du PCF. Il a produit les cités ghettos de nos banlieues, il a nourri et encouragé leur caractère communautaire, il n’en résoudra donc certainement pas les nombreuses nuisances.

D’autre part, on confond trop souvent architecture et urbanisme. (4)⇓ Ce mélange des genres entraîne les plus redoutables effets sur l’urbanisme contemporain.

Ainsi malheureusement vit-on encore aujourd’hui sous l’influence utopiste de Le Corbusier et de ses homologues allemands du Bauhaus.

Dès les années 1920 ces pionniers de l’Architecture dite « moderne », qui créeront le CIAM en 1928 prétendaient repenser la ville. Et on peut observer que les entreprises et les commerces n’intéressent pas ces constructeurs.

Tous se basent sur les idées scientistes telles qu’elles étaient apparues au XIXe siècle, combinées avec des utopies plus anciennes encore, mais en y ajoutant au maximum l’utilisation des procédés techniciens les plus avancés.

En effet à la fin du XVIIIe apparaît une vague de projets de contre sociétés, idéales ou positives, dont le portrait est toujours dessiné par opposition, trait pour trait, à celui de la société réelle, ressentie et dénoncée pour négative.

Les quadrilatères d’Owen ou le phalanstère de Fourier se réfèrent à des micro-unités de 1 500 à 1 600 habitants dispersés dans la campagne. En 1825 New Harmony dans l’Indiana provoquera la ruine d’Owen. Depuis 1832 le mouvement phalanstérien s’installe à Condé-sur-Vesgre où il fixe une douzaine de familles. Le rêve d’Icarie de Cabet envisage une ville d’un million d’habitants. Ses tentatives concrètes, échelonnées sur 40 ans, dans divers points des États-Unis n’en réuniront que quelques centaines. La dernière « Icaria » est dissoute en 1886. En revanche le familistère de Guise ne sera pas un total échec grâce à l’industriel Godin.

Pendant ce temps de 1830 à 1880 la population de Londres passe de 1 à 4 millions d’habitants.

Avec toujours beaucoup de retard sur la réalité, qui va répondre d’elle-même aux nuisances de cet afflux spontané, certains vont donc programmer un nouvel urbanisme au cours du XXe siècle.

La première réalisation concrète de l’école du « Bauhaus », fondé en 1919 à Weimar par Walter Gropius, va se porter en 1925 sur une cité ouvrière, qu’on imaginera par la suite reproduire à l’infini, jusqu’en URSS.

131028-2L’influence de Le Corbusier ne se révèle pas moindre.

Car, si les uns voient en lui « le plus grand architecte du XXe siècle », en raison de son utilisation audacieuse des techniques, d’autres déplorent l’influence de son « Esprit Nouveau » sur l’urbanisme.

Dès son « Plan Maison » de 1925 Le Corbusier propose en effet de raser toute la vieille ville à l’exception d’un secteur musée. Sa prétendue « charte d’Athènes » est réécrite en 1943 à partir de notes prises dix ans plus tôt au congrès du CIAM. Il y élabore une doctrine à laquelle on se rattache encore. Elle entend prendre acte de la « révolution machiniste » mais ne se préoccupe guère de l’automobile, etc.

Très vite les Marseillais appelleront sa « Cité radieuse » « la Maison du fada ». Construit entre 1947 et 1952, cet ensemble collectiviste fut néanmoins reproduit en divers point d’Europe : Nantes-Rezé en 1955, Berlin en 1957, Briey en 1963 et Firminy en 1965. On peut aimer ou détester ces constructions – personne n’est obligé d’y habiter.

Mais à partir de la loi d’orientation foncière du 30 décembre 1967, l’architecture va devenir « urbanisme » Et l’urbanisme administratif français opère un nouveau tour de vis, plus concrètement étatiste et dirigiste encore. Par le biais des Schémas directeur d’aménagement et d’urbanisme (SDAU), des Plans d’occupation des sols (POS), des zonages, des servitudes non aedificandi, des réserves pour service publics, etc on enserre l’initiative privée de construction dans un carcan dirigiste. Et on continue un demi-siècle plus tard avec les schéma dits de « cohérence territoriale » SCOT, remplaçant les SDAU (en application de la loi du 13 décembre 2000 dite loi SRU)… Et la nouvelle loi Duflot va encore aggraver tout cela…

Mais personne, parmi les politiques, n’ose accuser ni même remettre en cause, de façon explicite, les traces de l’urbanisme stalinien (5)⇓. Il serait temps d’y songer.

JG Maliarakis

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