Pauvreté et organisation économique

pauvreté_enfant_déchargeLe développement économique a permis un enrichissement général de la population. Pourtant, des poches de pauvreté subsistent qui pourraient être résorbées.

Depuis 2009, l’un des sujets sur lequel je j’aime m’attarder est la pauvreté. Pourquoi certains pays sont si pauvres alors que d’autres sont relativement riches? J’ai déjà publié un série d’articles intitulée « Diagnostic Pauvreté » pour explorer la situation de certains pays qui sont très pauvres (Bangladesh), dont la situation s’est détériorée (Brésil, Argentine, Vénézuela) et dont la situation s’est améliorée suite à des réformes (Chili, Nouvelle-Zélande, Suède, Inde, Rwanda, Pologne, Pérou, Singapour). J’ai aussi étudiés les hypothèses émises sur cette question par certains économistes tels qu’Hernando De Soto, Darren Acemoglu & James Robinson et Erik Reinert. Voici les grandes conclusions que j’ai tirées de mes recherches.

Le système légal et l’état de droit

L’un des fondements du système capitalisme est l’existence d’un système de protection des droits de propriété efficace. Selon l’économiste Hernando De Soto, il est inutile d’amener les pays du Tiers-Monde à adopter les façons de faire des pays développés (devise stable et flottante, libre-échange, privatisations, etc) si à la base il n’y existe aucun système de droits de propriétés efficace et accessible.

Dans les pays sous-développés, les gens dispose d’une quantité non-négligeable de capital. Cependant, ce capital est détenu sous forme non-productive : des maisons construites sur des terrains dont la propriété est mal définie ainsi que des entreprises non-incorporées et informelles, voire illégales. Ces actifs sont du « capital mort ».

Comme les droits de propriétés de ces actifs ne sont pas adéquatement documentés, ils ne peuvent être transformés en capital productif, par exemple faisant l’objet d’un prêt hypothécaire qui pourrait servir à investir dans une entreprise. En fait, le crédit hypothécaire est la plus grande source de capital pour démarrer une entreprise aux États-Unis.

Le capital est un concept intangible, et comme plusieurs autres concepts intangibles – comme la musique ou le temps – l’humain a dû inventer des systèmes pour les représenter, les mesurer et les utiliser productivement (la notation musicale, l’horloge, le calendrier…). C’est la même chose pour le capital : le système légal gérant droits de propriété est le système qui donne vie au capital et lui permet de libérer son potentiel productif.

Un système légal déficient favorise les inégalités sociales, puisque les seuls qui puissent avoir accès à la propriété et, par conséquent, au capital créateur de richesse, sont ceux qui ont les moyens de payer les avocats, les lobbys et les pots-de-vin nécessaires à l’obtention des permis et des autorisations. Les pauvres se retrouvent dans l’impossibilité de lever des capitaux pour investir et produire davantage. L’accès à la richesse leur est bloqué par le « ruban rouge ».

De Soto pense que les économistes et politiciens occidentaux ont oublié ce qui a causé le succès du capitalisme, tant en Angleterre qu’aux États-Unis : un système efficient de droits de propriété.

Le système judiciaire est d’ailleurs un talon d’Achille important pour des pays comme le Bangladesh, le Brésil, l’Argentine et le Venezuela. Les réformes de Singapour ont fait de son système légal l’un des plus efficaces de la planète, ce qui a contribué à l’essor économique de ce pays. La facilité à démarrer une entreprise est un facteur important pour la création de richesse. Des pays comme la Nouvelle-Zélande, le Rwanda et Singapour ont mené des réformes visant à faciliter le processus administratif de démarrage d’une entreprise, qui a contribué à leur succès économique.

D’autre part, la propriété publique des terres ou l’ingérence du gouvernement dans les droits de propriété des terres semblent être un problème dans les pays en développement comme le Bangladesh, l’Inde, le Venezuela et la Chine. Les réformes du Chili, du Rwanda et de la Pologne ont amélioré cet aspect.

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Des institutions inclusives

Pour plusieurs économistes, la géographie est un facteur déterminant du niveau de richesse d’un pays (Jeff Sachs, Jarred Diamond). L’hypothèse géographique n’arrive pourtant pas à expliquer les différences entre Nogales, Mexique et Nogales, Arizona, entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, entre l’Allemagne de L’Est et l’Allemagne de l’Ouest en 1989. En Corée du Nord, les gens ont 10 ans de moins d’espérance de vie que leurs voisins du Sud. Cette hypothèse n’arrive pas non plus à expliquer pourquoi un pays comme le Japon a stagné pendant si longtemps, pour ensuite soudainement entamer une période de forte croissance suite à la Restauration Meiji. Alors, pourquoi est-ce que certaines nations réussissent à se développer tandis que d’autres faillissent?

Pour Daron Acemoglu et James Robinson, ce sont les institutions qui déterminent le succès ou l’échec économique d’une nation. Les auteurs identifient deux types d’institutions. Les institutions extractrices sont conçues de manière à ce qu’une élite exerce un contrôle peu contraint du pouvoir politique, ce qui lui permet d’extraire des rentes économiques du reste de la population. Les institutions inclusives sont celles où le pouvoir politique est réparti de manière plus diffuse et plus démocratique, ce qui fait en sorte que l’organisation économique de la société permet à tous et chacun de récolter une part de l’activité économique, tandis que tout le monde est égal devant la loi et que les droits de propriété sont respectés.

Les tentatives par les organisations internationales telles que la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International à « fabriquer » de la croissance pour sortir les pays pauvres de la pauvreté n’ont pas fonctionné car ils ont pris pour acquis que l’adoption de quelques politiques publiques dites libérales et un influx de capital allait magiquement résulter en la création de richesse, alors que ces institutions ont bien peu fait pour rendre les institutions de ces pays plus inclusives. En fait, sous des institutions extractrices, l’aide internationale est dilapidée en gaspillage et corruption et ne permet qu’au régime en place de subsister un peu plus longtemps. (voir ceci, ceci et ceci)

L’aide internationale aux pays du Tiers-monde a totalisé plus de $600 milliards en 50 ans. De telles dépenses auraient dû conduire à des améliorations dans le développement, mais ont en réalité seulement servi à enraciner le système corrompu dont les politiques entravent le développement. Ensuite, les pays donateurs ne donnent pas par pur altruisme, ils avancent leurs intérêts stratégiques et économiques. L’aide fournie implique souvent que le pays récipiendaire achète en contrepartie au donateur, à un prix généralement plus élevé que le marché.

A&R démontrent que des institutions inclusives sont nécessaires à la mise en place d’un système de capitalisme de marché créateur de richesse pour tous. Ces institutions sont la démocratie, une constitution comportant une branche judiciaire indépendante et un parlement bicaméral, l’égalité de tous devant la loi, la protection des droits de propriété privés et la protection des libertés individuelles.

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Une banque centrale saine

S’il y a une chose que l’on retrouve dans presque tous les pays pauvres, c’est l’existence d’une banque centrale inflationniste, c’est-à-dire qui crée de la monnaie à profusion pour permettre au gouvernement de dépenser davantage, ce qui fait gonfler les prix et appauvrit davantage la population. D’ailleurs, comme dans ces pays la gouvernance est faible et la corruption élevée, cet argent n’est généralement pas déployé dans du capital productif, mais est plutôt dilapidé.

Les pays qui ont réussi à faire diminuer la pauvreté suite à des réformes ont souvent fait en sorte que la banque centrale devienne indépendante et ont limité sa capacité à crée de la monnaie. Ce fut le cas au Chili, en Nouvelle-Zélande, en Pologne et au Pérou notamment.

Des impôts raisonnables

La plupart des pays qui ont fait diminué leur niveau de pauvreté ont réduit le fardeau fiscal soit des particuliers, soit des entreprises, et parfois les deux. Cela stimule l’épargne, l’investissement et l’accumulation du capital productif, ce qui crée de la richesse (effet Laffer). Les impôts élevés et complexes demeurent un problème significatif au Brésil par exemple.

Des dépenses gouvernementales limitées

Si la banque centrale ne peut plus monétiser le déficit et que les impôts sont réduits, il devient incontournable que le gouvernement réduise ses dépenses. Les deux postes de dépenses gouvernementales auxquels se sont attaqués les réformes du Chili, de Nouvelle-Zélande, de Suède, de l’Inde et de la Pologne sont la fonction publique bureaucratique et les subventions aux entreprises. Malheureusement, les dépenses bureaucratiques et les subventions demeurent très élevées au Brésil, en Argentine et au Venezuela.

Privatisation des entreprises d’État

Les entreprises gouvernementales sont prépondérantes dans les pays pauvres comme le Bangladesh, l’Inde, le Brésil, la Chine et le Venezuela. Pratiquement tous les pays qui ont adopté des réformes bénéfiques ont massivement privatisé leurs entreprises d’État, notamment au Chili, en Nouvelle-Zélande, en Suède, au Rwanda, en Pologne et au Pérou. Cela a comme impact d’améliorer l’efficience économique de ces entreprises et leur capacité à créer de la richesse, tout en dynamisant le secteur privé et l’investissement. Cela permet aussi d’attirer les capitaux étrangers dans le pays pour financer son développement. Cependant, les privatisations doivent se faire graduellement et être accompagnées de d’autres

réformes structurelles de manière à ce qu’il ne s’agisse pas d’une vente de feu à rabais. À noter qu’un pays dont la situation économique se détériore, l’Argentine, a récemment été dans la direction opposée, c’est-à-dire que de nombreuses nationalisations d’entreprises privées y ont eu lieu.

Libre-échange

L’abaissement des barrières protectionnistes a fait partie intégrante de toutes les réformes structurelles qui ont réussi à faire diminuer la pauvreté, que ce soit au Chili, en Inde, en Chine, au Rwanda, en Pologne, au Pérou et à Singapour. En revanche, des pays tels que le Bangladesh, le Brésil, l’Argentine et le Venezuela demeure obstinément protectionnistes. D’ailleurs, l’Argentine, qui est en déclin économique, a récemment augmenté ses barrières protectionnistes.

Réduction des contrôles de capitaux

Si on veut une banque centrale saine, une augmentation du commerce international et un afflux d’investissements étrangers, il faut assurément une libéralisation des flux de capitaux. Par conséquent, la devise doit devenir flottante. D’ailleurs, on constate que les contrôles de capitaux sont très problématiques en Chine, au Brésil, en Argentine et au Venezuela, pour ne nommer que ceux-là, dans un contexte d’appréciation du dollar américain. Plusieurs pays ont bénéficiés de réformes visant à assouplir les contrôles de flux de capitaux, incluant la Suède, l’Inde, le Rwanda et Singapour.

Flexibilité du marché du travail

Les pays pauvres sont généralement caractérisés par un marché du travail où il est très coûteux de mettre à la porte un employé, ce qui nuit au développement économique. La rigidité du marché du travail fait en sorte de nuire aux mouvements de main d’œuvre entre des industries ou entreprises qui détruisent la richesse vers celles qui en crée et qui ont besoin de main d’œuvre. Ces mouvements deviennent très importants lorsqu’un pays entreprend des réformes. C’est pourquoi le Chili et la Pologne ont adopté des réformes à cet égard. De son côté, la Nouvelle-Zélande a libéralisé son marché du travail beaucoup trop tardivement dans son programme de réformes, ce qui fut une erreur coûteuse. L’un des meilleurs exemples de réforme du marché du travail est celui du Danemark et de sa Flexi-Sécurité.

Conclusion

Selon certaines personnes, il y a des pays pauvres parce que les pays riches les exploitent. Pour eux, la richesse est une tarte qui est présentement divisée inéquitablement. C’est faux, les pays du Tiers-Monde sont pauvres parce qu’ils créent peu de richesse en raison d’une structure économique déficiente. Pour d’autres, la pauvreté résulte du fait que certains pays ont adopté des réformes dites « néo-libérales » qui les ont appauvrit davantage. C’est faux. Certaines réformes ont réussi, d’autres ont échoué, mais ces pays étaient déjà pauvres avant de commencer les réformes, qui ne sont donc pas la cause primaire de leur pauvreté.

Il y a finalement ceux qui pensent que pour s’enrichir, les pays du Tiers-Monde doivent bénéficier d’aide internationale  et adopter des stratégies de substitution des importations (c’est-à-dire des barrières protectionnistes, des entreprises d’État et des subventions gouvernementales directes). À la lumière de mes recherches, l’aide internationale n’aide pas ces pays et contribue même à perpétuer leurs problèmes, tandis que les stratégies interventionnistes n’ont jamais fonctionné.

En fait, quand on observe les pays qui ont mené des réformes, on constate qu’il y a une recette ou un « pattern » de réformes qui permettent de créer de la richesse et, par le fait même, de réduire la pauvreté. Ces réformes permettent la mise en place d’un système capitaliste, non pas de capitalisme d’état, non pas de capitalisme de connivence, mais bien de capitalisme de libre-marché.

À noter cependant que ces réformes accompliront bien peu et auront peut-être même des effets pervers si elles ne sont pas mises en place de manière simultanée et coordonnée, ce qui a causé des problèmes dans certains cas (en Nouvelle-Zélande par exemple). Par exemple, si on privatise des entreprises d’état sans avoir réformé le système légal et libéré les contrôles de capitaux, on laissera aller ces actifs à rabais à des investisseurs locaux corrompus. Autre exemple, si on lève les barrière protectionnistes sans améliorer la flexibilité du marché du travail, on se retrouve avec une pénurie de main d’œuvre dans certains secteurs. Finalement, si on diminue les impôts et contrôle l’inflation monétaire sans toutefois diminuer les dépenses gouvernementales, on se retrouve en fâcheuse situation quant aux finances publiques. Même chose si on ne laisse pas la devise flotter.

Malheureusement, les politiques économiques véhiculées par les économistes gauchistes de ce monde, tels que Thomas Piketty, vont à l’encontre de cette recette en raison de leur obsession envers les inégalités…quel dommage… Pourtant, ce que l’on observe dans les pays pauvres est que leur structure économique déficiente engendre d’énormes inégalités et injustices, non pas entre les plus performants et les moins productifs de la société, mais plutôt entre les élites gouvernantes et les masses. Ce sont d’ailleurs ces fonctionnaires et dirigeants corrompus qui sont l’obstacle le plus massif aux réformes que je propose.

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Addendum

Voici un synopsis des réformes adoptées par certains pays que j’ai étudiés :

Chili

En 1975, les Chicago Boys, un groupe d’économistes Chiliens formés à l’Université de Chicago, ont pris le contrôle de la politique économique du Chili. Ceux-ci ont entamé une série de réformes visant à réduire l’intervention de l’État dans l’économie, libéraliser le commerce international et établir le libre-marché comme forme d’organisation économique. En 1973, 50% des terres agricoles étaient détenues par l’État suite à des expropriations menées par les socialistes. Dès 1974, le gouvernement a distribué des titres de propriétés agricoles à 109,000 fermiers et 67,000 descendants des Mapuche en 3 ans. Le tiers des terres jadis expropriées ont été retournées à leurs propriétaires légitimes et le reste a été vendu.

Le marché du travail a aussi été réformé par de nouvelles lois le rendant plus flexible. De plus, la constitution de 1980 renforçait la protection des droits de propriété. Résultat : le Chili est passé de pays sous-développé à membre de l’OCDE.

Nouvelle-Zélande

En Nouvelle-Zélande, entre 1974 et 1983, le gouvernement nationaliste au pouvoir a adopté des politiques dîtes de « substitution des importations » nommées « Think Big », impliquant des investissements massifs de l’État, ce qui tourna au fiasco. En 1984, des réformes libérales furent adoptées pour tenter de redresser la situation. La banque centrale fut réformée et devint indépendante, les entreprises d’état furent privatisées, les barrières protectionnistes furent abaissées, les dépenses gouvernementales furent réduites (notamment en mettant les agences gouvernementales en concurrence avec le secteur privé), tout comme les taux d’imposition. Des réformes du marché du travail l’ont rendu plus flexible.

Suède

La Suède quant à elle a connu un superbe rattrapage économique tout au long du 20e siècle grâce à une économie plutôt libérale. Cependant, dans les années 1970s, les choses ont commencé à se renverser alors que l’État-providence a pris de l’expansion en Suède. Le gouvernement a donné des subventions aux entreprises en difficulté. La règlementation du marché du travail fut aussi augmentée. Les syndicats se sont renforcis, les congédiements sont devenus dispendieux, certains chômeurs ont pu obtenir des indemnités allant jusqu’à 80% de leur salaire. L’absentéisme est aussi devenu un grave problème en Suède étant donné la règlementation trop généreuse envers les employés. Les impôts furent augmentés significativement. La compétitivité des entreprises suédoises s’est grandement détériorée, nuisant aux exportations. La devise suédoise fut dévaluée à plusieurs reprises dans le but de stimuler les exportations. Les dépenses du gouvernement ont atteint 60% du PIB. La performance économique de la Suède s’est alors fortement détériorée.

Devant cette détérioration de sa performance économique, des réformes ont été entreprises dans les années 1990s. Le gouvernement s’est mis à privatiser des entreprises d’État, à libéraliser les marchés du crédit et des capitaux et à abaisser les impôts. Entre 1990 et 1991, le taux d’imposition des entreprises est passé de 53,0% à 30,0%. Le taux d’imposition des particuliers a aussi été abaissé. Le nombre de fonctionnaires a été réduit de 38%. Les entreprises d’électricité, de télécommunications, de vente d’alcool et de transports en commun de même que les postes ont été confiés au privé. Ce renversement de tendance a permis de stopper la chute de la Suède, qui au cours de la dernière décennie a été l’un des pays européens affichant la meilleure croissance économique.

Inde

Au début des années 1990s, Le premier ministre Narasimha Rao initia un virage vers la liberté économique avec le ministre des finances de l’époque, Manmohan Sing. Le gouvernement réduisit ses dépenses. Il ouvrit les frontières à l’investissement étranger alors que les entreprises indiennes purent se financer et investir à l’étranger. Les marchés de consommation furent libéralisés, ce qui engendra une concurrence dynamique.

Grâce à une libéralisation partielle de son économie entamée en 1991, l’Inde a fait beaucoup de progrès et a grandement amélioré le sort de sa population. Cependant, l’Inde est encore considérée comme un pays excessivement pauvre et corrompu. Pour passer au prochain niveau, la libéralisation devra se poursuivre car il y a encore beaucoup de chemin à faire. Ceci étant dit, malgré les bons résultats, les réformes se sont enlisées. Le changement est bloqué par les bureaucrates chargés de combattre la bureaucratie. Il faudra de la volonté politique et de consensus populaire pour s’attaquer à ces parasites, lesquels ne sont malheureusement pas en place présentement.

Brésil

Le Brésil a adopté la fameuse stratégie de « substitution des importations » avec un résultat conforme à ce que cette stratégie a livré dans d’autres pays – c’est-à-dire médiocre. L’économie du Brésil a bénéficié de sa libéralisation partielle durant les années 1990s ainsi que d’un boom d’endettement durant les années 2000s, mais la croissance économique observée durant les années 2000s était structurellement insoutenable. Dorénavant, le pays a grandement besoin de réformes structurelles pour poursuivre sa progression. Au Brésil, la fiscalité est excessivement complexe (la plus compliquée au monde selon la Banque Mondiale) et engendre beaucoup d’incertitude. En fait, l’argent des impôts sert surtout à défrayer les coûts de la bureaucratie gouvernementale et des fonds de pension des fonctionnaires. Cette situation est en partie causée par un système judiciaire déficient qui rend les processus de faillite et de recouvrement très longs, laborieux et coûteux. Par ailleurs, le marché du travail du Brésil est plutôt rigide. Il est très difficile et coûteux de renvoyer un employé. Il y a des pénuries de main d’oeuvre qualifiée en raison de la piètre performance du système d’éducation.

Malheureusement, la réduction de la bureaucratie étouffante (et des dépenses étatiques qui vont avec) est ardue, voire impossible en raison de l’emprise des syndicats. Une réforme du système judiciaire permettrait de réduire les pertes de crédit du système bancaire, et par conséquent de permettre aux banques de réduire les taux d’intérêts exorbitants qu’elles exigent, ce qui facilitera l’entreprenariat. Finalement, l’État devrait privatiser autant que faire se peut, de manière à ce que les services à la population s’améliorent, ce qui permettrait possiblement de contrer les lacunes du pays en infrastructures, en santé et en éducation. Petrobras et Vale devraient aussi être libérées de l’emprise politique du gouvernement de manière à créer davantage de richesse. Les contrôles de prix, incluant le salaire minimum, et de flux financiers devraient être retirés et les taxes sur l’énergie réduites.

Rwanda

Le Rwanda est l’un des pays qui a connu la plus forte croissance économique entre 1995 et 2010, non-seulement en Afrique, mais aussi dans le monde. Quelles sont donc les causes de ce succès? Entre 1961 et 1990, l’économie rwandaise était quasi-communiste, centralement planifiée, très protectionniste et avec un régime de change fixe. En 1990, le tarif d’importation moyen était de 34.8%.

Dès 1995, un certain nombre de réformes de libéralisation commencèrent à être mises en place. Le tarif moyen diminua à 18%, beaucoup d’entreprises d’état furent privatisées, incluant les banques, et la devise devint flottante sur le marché. Plus important, le commerce du café et l’agriculture en général furent passablement libéralisés. Le processus de création d’entreprise fut simplifié. En 2003, des réformes furent entamées pour permettre la propriété privée des terres, lesquelles menèrent à une nouvelle loi en 2005. Cette loi est loin d’être parfaite, mais elle a comme impact de mieux définir et protéger les droits de propriétés.

Depuis 2008, il ne faut que deux procédures pour démarrer une entreprise. En fait, selon le World Economic Forum, le Rwanda est devenu le 8e pays où il est le plus facile de faire des affaires (les États-Unis sont au 13e rang)! De plus, en 2010, le Rwanda a démarré une « zone économique spéciale » à Kigali, pour copier la recette gagnante de certains pays asiatiques et attirer des investissements étrangers. La réforme de l’industrie du café a été très bénéfique, permettant aux fermiers d’améliorer leurs revenus et leur niveau de vie. De nos jours, environ 430,000 familles produisent du café au Rwanda. La productivité du secteur agricole est en hausse grâce à des investissements en capital. La propriété privée des terres donnent un incitatif à investir et innover. Les exportations commencèrent à se diversifier dans des produits à valeur-ajoutée supérieure (comme les produits d’horticulture et les cafés spécialisés). Par ailleurs, le développement non-agricole s’est mis en branle, mené par des micro-entreprises.

Les réformes ont eu comme impact d’attirer des capitaux étrangers, ce qui amplifie le développement économique du pays. Des multinationales comme Starbucks, Google, Costo et Macy’s sont entrées au pays, créant des emplois de meilleure qualité que sur les fermes. De nouveaux acheteurs de café se sont présentés, incluant Green Mountain Coffee du Vermont, qui fournit notamment les restaurant McDonald’s. Un nouvel hôtel Marriott 5 étoiles a aussi ouvert ses portes à Kigali, ce qui aidera l’industrie du tourisme. La coréenne KT Corp va investir au pays pour déployer un réseau internet 4G.

La pauvreté a diminué de 57% en 2006 à 44.9% en 2010, ce qui représente environ un million de personnes, et la réduction de pauvreté serait probablement encore plus notoire si on avait les chiffres comparatifs pour 1990. Le taux de mortalité infantile est maintenant le tiers de ce qu’il était en 1990. L’Indice de Développement Humain (HDI) a presque doublé depuis 1990, alors que le Rwanda est le pays du monde qui a connu la plus forte augmentation de son HDI entre 2000 et 2010.

Malgré les réformes, le Rwanda a encore beaucoup de chemin à faire pour devenir un pays développé. Le gouvernement kleptocratique pré-génocide a dilapidé énormément de capital productif en pots-de-vin plutôt que de le laisser dans les poches des citoyens pour qu’ils épargnent et investissent en éducation et en infrastructures. La flexibilité du marché du travail pourrait aussi être améliorée car il en coûte encore trois fois le revenu annuel moyen pour renvoyer un travailleur.

Pologne

Quand le communisme s’est effondré en 1989, la Pologne n’avait eu rien pour elle; tout lui était défavorable après deux siècles de tourmente, mais s’en suivi un retournement de situation fort bénéfique. La Pologne a mené sa première élection démocratique en juin 1989, juste avant la chute du mur de Berlin en novembre de cette même année. Le gouvernement entama alors d’imposantes et drastiques réformes.

Les réformes ont engendré une récession en 1990/91, puis l’économie s’est remise à croître dès 1992, pour ne plus jamais régresser puisque la Pologne n’a connu aucune récession depuis. Le PIB de la Pologne a cru plus rapidement que tous les autres pays d’Europe centrale et son économie est maintenant la 6e plus grosse d’Europe. Les indicateurs de bien-être montrent une amélioration encore plus grande du niveau de vie que ne le suggère le PIB. Son Indice de Développement Humain calculé par l’ONU se classe maintenant 39e au monde versus son PIB/capita en 47e place. Son « Better Life Index » calculé par l’OCDE se classe 24eversus son revenu par habitant classé 29e. Le climat des affaires demeure difficile. Son classement « Doing Business » s’est nettement amélioré, mais en 2013, il était toujours en 55e place.

L’élément le plus important des réformes a été la libéralisation des prix, puisque cela a permis d’éliminer les pénuries très rapidement. La banque centrale a répondu en maintenant une politique monétaire restrictive, pour ne pas que l’inflation soit amplifiée par la création de monnaie, une décision très sage. Le commerce international fut libéralisé en janvier 1990 par une réduction substantielle des tarifs, ce qui aida à résorber les pénuries.

Le deuxième volet fut l’équilibrage du budget. Les subventions aux entreprises d’État furent réduites et le système de pension fut réformé. L’âge de la retraite augmenta de 5 ans. La règlementation du marché du travail fut allégée ce qui le rendit plus flexible. Le niveau des prestations d’assurance chômage fut déterminé à un niveau moins généreux que la moyenne des pays européens.

Plus récemment, en 2004, le taux d’imposition des entreprises a été réduit de 27% à 19%, puis en 2008, le nombre de paliers d’imposition personnels fut réduit de 3 à 2, et le taux maximal réduit de 40% à 32%, alors que le taux du plus bas palier, qui concerne 98.5% des contribuables, a été réduit de 19% à 18%

La privatisation des entreprises d’État s’est faîte graduellement. Un fonds d’investissement a été mis sur pied pour être actionnaire de 512 entreprises d’État en voie d’être privatisées. Chaque citoyen s’est vu remettre une part de ce fonds, devant de facto propriétaire/actionnaire des entreprises d’État. Entre 2008 et 2011, 562 entreprises ont été vendues par l’État, pour une somme de 10 milliards d’euros.

Selon moi, la Pologne est un excellent exemple de réformes libérales qui ont été un succès. Cette nation qui n’avait rien en sa faveur a maintenant des perspectives fort intéressantes (tout le contraire d’un pays comme l’Argentine, qui va dans la direction inverse).

Argentine

Le « peronisme », l’idéologie mise en pratique par Juan Domingo Peron qui a été président du pays de 1946 à 1955, implique un système de clientélisme techno-bureaucratique qui permet aux gens du secteur publique ou près du pouvoir d’obtenir des privilèges. L’Argentine est ainsi devenue une économie planifiée, gérée et contrôlée par des bureaucrates. Dans ce contexte, ce sont les contacts politiques qui font la différence entre le succès et l’échec en affaires.

Sous le règne des Kirchner, l’Argentine a assisté à une vague d’expropriations et de nationalisations. Les revenus provenant de ces entreprises servent à financer une partie de la croissance des dépenses de l’État et à masquer certains problèmes économiques du pays. Elles servent aussi à récompenser les amis du régime tout en faisant taire les critiques. Lors de la rencontre du G20 de 2011 à Cannes, l’organisme constatait que l’Argentine est le pays qui a le moins atteint ses cibles énoncées l’année précédente à Séoul, ayant imposé 21 nouvelles barrières au commerce en un an.

Des contrôles sur les importations ont été imposés : pour chaque entreprise, les importations doivent être équivalentes aux exportations. Des surtaxes sur les exportations de produits d’agriculture ont été exigées. Dans l’industrie minière, les importations d’équipement et de machinerie doivent être déclarées 120 jours à l’avance au gouvernement. Au moins 70% des intrants de l’industrie doivent provenir de l’Argentine. Par ailleurs, face à une fuite alarmante de capitaux, Mme Kirchner a dû imposer de sévère contrôles sur les sorties de capitaux. Les profits générés par des entreprises d’Argentine à l’étranger doivent être obligatoirement rapatriés.

Ces mesures découragent l’investissement privé en Argentine et nuisent grandement à l’économie. Elles ne permettent qu’au gouvernement de pelleter ses problèmes en avant. En somme, l’avenir n’est pas très rose pour un pays qui avait pourtant tout pour réussir: une population éduquée, des infrastructures et des ressources naturelles. Tout cela a été gâché par des politiques économiques destructrices.

Pérou

Sous la gouverne de diverses juntes militaires dans les années 1950s, 60s et 70s, le Pérou a été assujetti aux politiques de vantées par Reinert, sans succès. Puis, en 1985, le gouvernement majoritairement élu d’Alan Garcia a mené des programmes de dépenses publiques keynésiens qui ont mené à de l’hyperinflation (plus de 2 millions de pourcents). Le PIB par habitant a chuté en-dessous de son niveau de 1960 et le taux de pauvreté a augmenté de 42% à 55%. En 1992, Alberto Fujimoria entrepris une série de réformes “neoliberales” surnomées le « Fujishock ». Il a enlevé les contrôles de prix, éliminé des mesures protectionnistes, éliminés les contrôles sur les flux de capitaux et privatisés beaucoup d’entreprises d’État. Bien que Fujimori soit une crapule de la pire espèce, ces réformes ont permis de stabiliser l’inflation, de remettre le pays sur une trajectoire économique soutenable et de réduire la pauvreté. Puis, Alejandro Toledo a pris le pouvoir en 2001, un président favorisant les politiques libérales et le libre-échange. Durant ses 5 années au pouvoir, le PIB a crû de 6% par année, l’inflation n’a été que de 1.5%, le déficit a chuté à 0.2% du PIB et la pauvreté a significativement reculé.

Singapour

Cette petite économie a accompli un progrès substantiel depuis son indépendance en 1965 pour devenir l’un des pays les plus riches du monde. Avant 1965, Singapour pratiquait une stratégie de substitution des importations prescrite par Reinert. Cette stratégie fut délaissée à l’avantage d’un modèle plutôt axé sur les exportations. Les barrières protectionnistes furent graduellement réduites, jusqu’à ce que Singapour devienne l’une des nations les plus libre-échangistes du monde. Le pays est aussi devenu un endroit où il est très facile de faire des affaires. L’environnement règlementaire est léger et transparent. Le système légal et la protection de la propriété y sont solides. La bureaucratie n’y est pas étouffante et le marché du travail y est flexible. En somme, je viens d’énumérer tous les ingrédients d’une économie dynamique et prospère.

Par la suite, la stratégie de développement de Singapour a été menée par les investissements étrangers : c’est la seule manière viable d’obtenir du capital pour un pays sous-développé. Ces investissements ont été attirés par un climat des affaires favorable, l’absence de restrictions sur les flux de capitaux ainsi que par des incitatifs fiscaux. Les impôts des corporations sont passés de 40% en 1960 à 20%. À noter que l’un des avantages de Singapour fut sa main d’œuvre compétente et éduquée, grâce à une réforme de l’éducation qui a mis l’emphase sur les études vocationnelles et techniques. Ainsi, Singapour ne s’est pas développée ne vertu de politiques mercantilistes, mais bien grâce à une politique économique plutôt libérale.

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