Comment l’Etat a « sauvé » Groupama

Décidément, Groupama n’est pas très heureux avec ses choix météo ! Confronté à une situation complexe au large de l’Afrique du Sud, l’équipage dirigé par Franck Cammas a décidé de se démarquer du reste de la flotte en choisissant une option sud qui n’a pas été payante puisqu’il occupe ce jeudi soir la sixième place (sur six) de la deuxième étape de la Volvo Ocean Race, partie dimanche dernier du Cap à destination d’Abu Dhabi. D’où la décision du skipper de se recaler au nord.

Sur un autre front, Groupama subit le contre-coup de ses choix d’investissements hasardeux. Très exposé aux dettes publiques de pays européens en difficultés, l’assureur mutualiste qui rêvait d’une introduction en bourse et de jouer dans la cour des grands a vainement tenté de céder en catastrophe son entité GAN ces derniers mois. Quatre assureurs, l’italien Generali, l’allemand Allianz, et les français Covea (MMA, Maaf et GMF) et Axa, se seraient déclarés éventuellement intéressés par le rachat de Gan Assurances. Malheureusement, si Gan Assurances, qui dispose d’un réseau de 1.000 agents en France et d’une bonne activité dans l’habitation et l’automobile, vaudrait « environ 1 milliard d’euros », les résultats plus qu’hasardeux des deux entités Gan prévoyance et Gan Patrimoine ont semble-t-il fait échouer les négociations.

L’assureur n’a donc pu mettre en œuvre un renflouement alternatif, qui lui aurait permis de faire remonter sa marge de solvabilité à 150%.

C’est alors que le chevalier blanc est intervenu. L’Etat, par l’intermédiaire de son bras séculier, la Caisse de Dépôts et Consignation a renfloué l’assureur mauvais gestionnaire.

Groupama et la CDC ont signé la semaine dernière un protocole d’accord visant à la fois un rapprochement de leurs foncières respectives, les sociétés Silic et Icade, et un investissement de la CDC dans Gan Eurocourtage, filiale de Groupama. L’offre ferme a été adressé aujourd’hui même, 23 décembre.

Le rapprochement de Silic et Icade se ferait dans le cadre d’une opération d’échange de titres, en trois étapes. D’ici la fin de l’année, Groupama transfèrerait environ 6,5 % du capital de Silic à la CDC, contre une participation directe ou indirecte au capital d’Icade, à hauteur de 2,7 % environ. A l’occasion de cette opération, la Caisse des dépôts apporterait la totalité de sa participation dans Icade à une société holding contrôlée par la Caisse des Dépôts. Dans un second temps, Groupama apporterait le solde de sa participation dans Silic à cette holding. Enfin, consécutivement à la réalisation de ces apports, Icade déposerait une offre publique d’échange sur le solde du capital de Silic, la société holding s’étant engagée à apporter à l’offre publique la totalité de sa participation de 44 % du capital de Silic.

L’ensemble de ces différentes étapes serait réalisé sur la base d’une parité d’échange de cinq actions Icade pour quatre actions Silic, coupons 2011 attachés. Dans ce cadre, Icade envisagerait, après le transfert du bloc de Groupama et réalisation de l’offre, la distribution en 2012 au titre de l’exercice 2011 d’un dividende d`un montant de 3,70 euros par action Icade, une portion de ce dividende pouvant prendre la forme d’un dividende exceptionnel.

Si elle est effectivement menée à terme, l’opération donnera naissance à la première foncière de parcs tertiaires et de bureaux en France, avec un patrimoine de plus de 9 milliards d’euros. Elle signerait aussi la fin de Silic, la filiale Groupama la plus rentable et probablement la mieux gérée. Groupam cède ainsi son bijou pour dans l’espoir de sauver ses meubles.

Outre la cession de Silic, l’accord prévoit que la Caisse des Dépôts souscrirait à hauteur de 300 millions d’euros à une émission d`actions de préférence de Gan Eurocourtage . Les actions de préférence bénéficieraient d`un dividende prioritaire et ne comporteraient pas de droits de vote mais donneraient notamment à la Caisse des Dépôts certains droits relatifs à la protection de son investissement. Ce montage fait l’objet d’une contestation de la part de Colette Neuville, mandatée par des actionnaires minoritaires de Silic. La présidente de l’Adam estime que cette opération revient en fait à verser l’intégralité de la prise de contrôle de Silic à Groupama, actionnaire majoritaire. L’égérie des petits porteurs estime que les 300 millions d’euros, versés au seul Groupama, constituent la véritable prime de contrôle et que cette somme devrait de ce fait être partagée avec les minoritaires.

Si cette opération se déroule dans les conditions prévues, Groupama pourrait ainsi d’une part inscrire une plus-value immédiate dans ses comptes et d’autre part pouvoir redresser sa marge de solvabilité avant la fin de l’année au-dessus des 100% exigés par l’ACP. Sans plus. Tellement « sans plus » que vendredi dernier Standard and Poor’s (S&P) annonçait envisager d’abaisser jusqu’à deux crans la note de Groupama, s’inquiétant de l’affaiblissement de sa situation financière. Un abaissement de deux crans, de «BBB» actuellement à «BB+», ferait basculer Groupama dans la catégorie dite spéculative, qu’évitent certains investisseurs.

Groupama a donc toujours besoin de lever entre deux et trois milliards d’euros après ces deux opérations afin de retrouver son équilibre financier. Pour cela, il devra céder certains de ses actifs stratégiques, comme en a été faite l’annonce la semaine dernière. En effet, ce renflouement d’urgence par l’Etat ne suffira pas à redonner à Groupama une structure solide. La voie du démantèlement de Groupama n’est non seulement pas écartée, mais de plus en plus à l’ordre du jour. La cession du réseau d’agences GAN demeure ouverte, mais pas seulement. Tous les actifs de Groupama sont encore susceptibles d’être vendus. Le vrai problème se situe dans la situation des autres assureurs, eux-mêmes frappés par la crise des dettes souveraines et la faiblesse des marchés financiers. Qui est aujourd’hui prêt à investir dans des réseaux d’agences ou de distribution, qui est susceptible de reprendre des entités dans des pays d’Europe du sud?

Il est fort à craindre que si ces cessions trouvaient preneur, ce serait au prix d’une décôte importante qui laisserait Groupama sinon exangue, du moins en périmètre retreint autour des caisses régionales.

Décidément, Cammas, rien ne presse de rentrer, tu risques de rencontrer à terre une tempête encore bien plus ravageuse que celle que tu affrontes actuellement et de vite te retrouver… à sec!


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