Autoroutes: en route pour le monopole européen…

Abertis sanef autoroutesUne information passée inaperçue dans la grande presse: le marché européen des autoroutes poursuit sa concentration à visée monopolistique…

Atlantia et ACS s’allient pour racheter Abertis

Les groupes italien Atlantia et espagnol ACS ont confirmé mercredi avoir conclu un « accord préliminaire » pour mener une offre conjointe sur Abertis. Ce faisant, ils tuent dans l’œuf la bataille d’OPA autour du concessionnaire d’autoroutes espagnol (Abertis), qui contrôle la société française Sanef.

Une conférence de presse conjointe d’ACS, de sa filiale allemande Hochtief et d’Atlantia a lieu aujourd’hui jeudi à la mi-journée au siège d’ACS à Madrid, pour annoncer officiellement les termes de l’accord. Cette conférence de presse se déroule en présence du président d’ACS, Florentino Perez – également président du club de football du Real Madrid – et du directeur général d’Atlantia, Giovanni Castelluci, ainsi que du président de la société Hochtief, Marcelino Fernandez Verdes.

C’est le Numéro 1 mondial de la gestion d’autoroutes qui disparaît

Abertis, qui a réalisé un chiffre d’affaires de 5,3 milliards en 2017, se présente comme « le premier gestionnaire d’autoroutes au monde – avec plus de 8.300 km dans 12 pays d’Europe et d’Amérique ».

L’appétit des investisseurs pour le groupe espagnol s’est aiguisé depuis qu’il a renforcé sa position en France, son premier marché, en rachetant début 2017 l’intégralité de la Sanef, à travers laquelle il gère 1.760 km d’autoroutes dans le nord de l’Hexagone.

Abertis était visé par deux OPA concurrentes, d’Atlantia et d’ACS – via Hochtief – mais un accord a été trouvé entre les deux compagnies pour prendre ensemble le contrôle du concessionnaire. Il s’agit donc d’une opération de concentration qui se solde par la disparition d’un opérateur sur le marché européen. Cela pose une réelle question de déontologie: Qui peut penser que la concurrence entre les acteurs sera saine lors des prochains appels d’offres européens dès lors que les intérêts financiers des principaux acteurs sont ainsi liés?

Le montage financier de l’accord

Dans un communiqué, le géant espagnol de la construction ACS a détaillé l’accord préliminaire: il prévoit qu’Atlantia retire son offre, tandis que l’OPA sera menée entièrement en cash, au prix fixé par ACS précédemment, soit 18,36 € par action Abertis.

Une holding d’une capitalisation de quelque 7 milliards d’euros sera créée: elle sera possédée à 50% plus une action par Atlantia, et à 30% par ACS et 20% moins une action par Hochtief.

Il semblerait selon des informations émanant d’Abertis que le président de la holding sera espagnol, que son siège basé à Madrid, et que les dirigeants d’Abertis resteraient en place (du moins dans un premier temps, comme nous le verrons plus bas).

Abertis sera consolidé dans les comptes d’Atlantia, et ACS n’aura pas à assumer son endettement, a précisé le groupe espagnol.

Pour mener à bien l’opération, Hochtief réalisera une augmentation de capital souscrite entièrement par ACS puis Atlantia acquerra auprès d’ACS jusqu’à 2,5 milliards d’euros en actions Hochtief.

Le groupe autoroutier Atlantia – dont le premier actionnaire est la famille Benetton – a soumis dans la soirée d’hier l’accord préliminaire à son conseil d’administration qui l’a approuvé. De son côté, ACS a annoncé que son conseil d’administration avait « approuvé l’accord de principe », dans un communiqué adressé à l’autorité boursière espagnole.
L’objectif officiel de cet accord est d’éviter l’affaiblissement financier (des deux groupes) que supposerait une guerre d’offres. Autrement dit, « mieux vaut s’entendre et n’avoir qu’une part du gâteau à un prix raisonnable plutôt que de devoir payer très cher la totalité ».

Le démantèlement se profile

Même si les intentions officielles aujourd’hui sont énoncées en termes de holding et de maintient des structures, le pragmatisme dont les deux directions font preuve dans cet accord laisse à penser que très rapidement chacun voudra affirmer sa gestion sur les autoroutes sous contrat avec Abertis.

A ce moment là, qui risque d’être rapide, les autoroutes espagnoles iront à ACS, les italiennes iront à Atlantia. Concernant les autoroutes d’Amérique latine, en particulier au Brésil et au Chili, elles iront probablement à ACS, déjà présent en Asie, en Amérique du nord et en Europe et qui affiche une volonté mondiale.
La Sanef et la partie française reviendraient dès lors dans le giron d’Atlantia.

Quand la notion d’investissement stratégique fonctionne AUSSI en Espagne…

Depuis dix mois, l’offre d’Atlantia se heurtait aux réticences de Madrid qui multipliait les embûches. Pourquoi? Parce que Abertis contrôlait une société d’exploitation de satellites, « Hispasat » et que cette société gère entre autre les communications du gouvernement et de l’armée espagnols.

Dès lors, le gouvernement hispanique était très « inquiet » du risque de voir passer sous contrôle étranger cette société satellitaire.

Afin de débloquer la situation et d’assurer au gouvernement espagnol le maintien d’Hispasat dans des mains 100% espagnoles, Abertis a enclenché début février le processus de vente de cette filiale, processus approuvé mardi lors de son assemblée générale.

Comme quoi, malgré les pseudo directives européennes, lorsqu’un pays a une réelle volonté de protéger ses activités « stratégiques », il trouve toujours le moyen de le faire…..

Source: Challenges en temps réel : Économie

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